les histoires sont toujours les mêmes.
«
Joue mon ange, joue », sa voix douce, délicate, cristalline résonne dans ta tête, en millier d'éclat, en millier de promesses d'une tendresse infinie & d'une innocence volée. Sa chevelure de feu caresse ses épaules, sa bouche carmin s'étire & fait remonter deux pommettes pâles saupoudrées d'élégantes taches de rousseur, ses deux pupilles sont floutés, comme si un écran de fumée s'était posée sur ses deux yeux & qu'il n'était pas envisageable d'en deviner la couleur. L'image se brouille & pourtant, nulle crainte, nulle horreur, juste une sensation de curieuse sécurité. Un geste de la main qui t'encourage, ton cœur explose, éparpillé par des sensations qui te dépassent & creusent des crevasses sans fond où règne l'ombre d'un fantasme déjà disparu, oublié, condamné à une errance. Et dans une obéissance aveugle, tu capture l'élégant bout de bois qui ripent sur tes doigts frigorifiés venant te cingler de douloureuses entailles, mais pourtant le charme de l'instant t'empêche de pleurer & de lâcher l'archer. Tu n'as pas mal car
elle est là. Tu n'as pas peur car elle te l'a promis. Et dans un mouvement souple, l'amour d'une vie se porte à ton cou, le sang rouge de l'objet caresse ta gorge pâle comme une lame dans la nuit noire s'enfoncerait dans sa victime. Tu es la victime des envies de cette femme au regard inconnu, de ses envies délirantes, de ta mémoire qui refuse de se souvenir. Et pourtant, l'archer glisse. Caresse maladroite qui fait hurler de douleur l'instrument. Une moue déforme tes traits. Un frisson roule. Tu échoue. Maman ne va pas être contente.
Une goutte de sueur glisse le long de tes trempes.
Tu vas la décevoir. Elle va te haïr, te détester, en préférer un autre. Un autre de tes frères. Plus talentueux. Plus lumineux, crevant l’atmosphère de toute une expérience que tu ne possède pas. Et ça te bouffe de ne pas être le meilleur, ça te tue d'être un autre de ses fils. Tu voudrais être le seul & l'unique. Pas noyé au milieu de la masse, pas enseveli sous le poids écrasant & insoutenable de tes aînés, tu voudrais être toi, être l'ange que cette étrange créature rousse chante dans ce prénom biblique. Tu voudrais tant la rendre fier, qu'elle n'aime que toi. Et le souffle te manque, la peur te terrasse, le chagrin creuse son siège. «
Je n'y arrive pas. ». Voilà, tu jette l'éponge. Tu t'avoue faible. Tu rends les armes. Tu n'y arrive pas. Et comme Arthur, le roi avant toi, tu t'effondre. Comme l'ange que tu n'es pas, tu chute. Un rictus glace ses lèvres. Elle se fige, statut de glace, statut de cruauté. Ton petit être geint. Maman n'est plus vraiment maman. Maman est ce monstre terrible, angoissant qui déchire ton être. De ses doigts crochus, elle s'empare de tes sentiments, d'un geste rageur, tu ploie sous une douleur qui est loin d'être imaginaire. Elle te méprise par ses griffes qui s'enfoncent. Elle te tue. Et tu pleure. Ton chagrin explose en mille éclat. Ta peur s'enlise en toi, s'écrasant sur les récifs d'une raison anéantie. Tu as beau planter tes ongles dans le joli parquet, supplier, hurler, elle reste froide, sourde à tes douleurs, caressant de sa bouche écarlate la tasse de thé. L'art de te faire souffrir sans te toucher, l'art de te réduire en miette en une ultime explosion, voilà la belle empathie de ta mère, voilà son pouvoir qui se fait attentat de ton âme, se jetant comme un avion en plein vol contre toi. Mais déjà, la douleur s'évanouit, maman n'est plus vraiment maman, t'a-t-on dit. Maman fait mal. Et toi, tu n'as plus de maman.
~ ♦ ~
Tes cheveux bruns tombent sur tes yeux vides.
Il t'a tué. Blotti contre la pierre froide, tu déglutis, l'amertume des sentiments, te lèchent, te dévorent. Tu geins, tout explose autour de toi. Lui, surtout. Avec force, avec brutalité. Il te fait déraper, perdre le nord, l'esprit, le contrôle dans une odeur de souffre et de fumées immondes. Il y a la peur sous tes doigts tremblants. Il y a l'horreur dans tes yeux. Courbé en deux, les yeux rivés vers ses chaussures luxueuses, tu contemples le cuir soigneusement lustré. Ton père a toujours eu du goût du haut du poids de sa puissance, du haut de son étrange sagesse. Il observe, froid, stoïque, l'enfant déchiré que tu es. Tu ne veux pas voir ses yeux. «
Tu ne dois pas pleurer, Castiel. », tranche-t-il d'une voix que tu sais faussement douce, faussement affective. Il te déteste. Tu geins, halète, tu veux juste lui échapper. Pressant tes mains sur tes oreilles, tu as la trouille tenace, comme une vieille amante déchue, elle s'emmêle, se lie à toi, te suce tout ce que tu as. L'empathie te dévore. L'empathie t'enlace et te déchire de ses crocs acérés. Sacrifié sur l'autel d'une histoire ancienne, tu es né empathe, tu es né dans les affres d'une puissance qui te dépasse, d'une puissance qui pourrait te rendre fou. Tu es faible, tu l'as toujours été. Ta mère plane encore comme un mauvais souvenir. Ta mère te tue aussi. Et les larmes roulent, salés, lente, brûlants tout sur leur passage. «
Castiel ? », souffle ton père, tu sens une inquiétude se dessiner dans sa voix. La belle ironie, il te torture, te brise pour soi-disant t'enseigner votre don ancestrale et il s'inquiète. Tu as un rire jaune, désespéré, du haut de tes six petites années. Tu as grandi trop vite, beaucoup trop vite, pulvérisé par la folie de l'empathie, la folie des tiens. «
Il est trop tard, père. », murmures-tu d'une voix qui ne colle pas avec ses mots. L'enfance semble s’être brisée. Ou bien est-ce cet autre qui s'étire dans l'ombre à demi-mots ? Est-ce cet oiseau mort ? Trop tard, tu t'évanouis sous un énième assaut émotionnel de ton père. Trop tard, l’inconscience te happe et te dévore. Mais
Il est là,
Il veille.
Il est porteur d'une lueur dans un monde de ténèbres. «
N’ai pas peur. Je suis là. ».
~ ♦ ~
«
Mon fils est mort. », souffle la voix de la rousse. Elle arrose une plante avec froideur. La main dans celle de ton père, tu observes celle qui t'a engendré. Ses cheveux ont poussés, mais tu perçois sa folie. Tu n'existes plus. A-t-elle même un souvenir de toi ? «
Cesse de m'amener ce garçon, Eleazar. Cesse de m'enfermer. », gronde-t-elle, se faisant assassine, bête sauvage, elle tue l'amour, elle envenime le reste. Elle ne t'a jamais aimé. «
Galadrielle », souffle ton père, comme si il cherchait à l'atteindre derrière cette montagne de froideur qu'elle est devenue. Les yeux dans le vide, elle te regarde passer. Tu es insignifiant, tu trébuches. Elle était si belle, autrefois, dans ta mémoire. Elle flottait entre les odeurs de cannelle et du sang. Elle était amour. Elle était si belle cette poupée que les anges avaient délaissés. Et sa belle gueule s'est fracassé en même temps que le reste de ton enfance. Maman ne sera plus jamais Maman. Et là, tout au fond, quelque chose se brise plus profondément. Les crevasses s'installent.
Boum, tu exploses, dans un frisson d'horreur. Alors tu t'élances en travers les couloirs, tu vas loin de cette mère qui t'a balayé. Impuissant, ton père appelle mais tu t'en vas. Tourner à droite, à gauche n'a plus guère d'importance. Et elle est là, ses grand yeux verts posés sur toi, réfléchissant ton cœur. Elle a les cheveux blancs, long, vision étrange d'une déesse qui se mêle à une enfant. Et tu t'écroules, tu te brises en larmes sur les récifs d'une douleur trop grande pour toi. Les larmes roulent, décrochent ce qu'il reste de toi. De ses mains blanches et pâle, elle caresse tes joues, tremblantes, penche la tête, ne dit mot mais, hélas, elle est sensations & émotions à fleur de peau. Elle t'enveloppe d'une tendresse inconnue, glisse un peu d'amour. Elle te console. Et elle se pose sur toi comme un papillon sur ton cœur. «
Dis ? », tu renifles un peu, frotte tes yeux souillés de larmes. «
Tu veux être ma maman ? ». Si tu n'as plus de maman, tu en choisiras une autre. Tu laisseras ton cœur s'amouracher d'un autre. Tu laisseras cette princesse irréelle te blottir. Et elle sourit, de ce petit sourire tendre, elle passe ses doigts dans tes cheveux. Tu as pour elle un amour infini. Tu as pour elle quelque chose de renversant, de bouleversant. «
P-Pourquoi tu pleures... T-tu es triste, Αηδόνι ? ». Le mot roule, tombe. Il est trop tard, la fille aux cheveux blanc s'envole déjà. On l'appelle Echo dans tes rêves.
Tu crois que tu l'aimes.~ ♦ ~
«
Et le rossignol pourpre tendit sa main vers le cobra de sang. », la page tourne lentement, la voix de ta grand-mère te transportant à des années lumières de cette chambre trop grande pour un môme de ton âge. Ton enfance est morte dans l’œuf du dragon et pourtant il y a cette lueur d'espoir dans sa voix. Elle te conte une histoire mille fois conté. Elle te conte les mésaventures d'un amour, d'un autre temps. Et tes yeux mordorés se plantent dans les siens, froids, durs, cruels. «
Et qu'arrive-t-il ensuite ? », souffles-tu d'une voix excédée. L'histoire t'ennuie, ne te faisant comprendre ce rossignol pourpre et ce cobra que comme des enfants, des enfants qui jouaient à la guerre et à l'amour. D'un enfant doux et passif, ton apprentissage de l'empathie t'avait forgé dans la force et le contrôle. Le contrôle quoiqu'il en coûte, quoiqu'il advienne. Ses mains fripés se posent sur le livre, tu n'as jamais été patient. De ses yeux petits et espiègles, elle t'observe, détaillant l'enfant que tu es. Tu as neuf ans, tu as enduré le prix de trop de souffrance. Elle souffle, penchant la tête, ses cheveux d'argent glissant de son épaule jusqu'à sa poitrine : «
Ils sont morts. ». Tu claques ta langue, mécontent de cette fin. Elle n'avait pas tout raconté. Quelque chose hurlait en toi cette vérité. Quelque chose gronde avec ce goût d'inachevé. Tu relèves ta tête, plonge tes yeux noir dans les siens. «
Tu mens. », tranches-tu avec une étrange froideur dans la voix, comme si tu la poignardais, simplement, purement. «
Tu as oublié comme ils tuaient, comme ils aimaient le sang, comme elle était doué à parler avec ses compagnons reptiliens. Tu ne parles pas de sa maîtrise des émotions. Il les paralysait, imposait la peur, la panique, il en a tué beaucoup. Ils en ont tués tellement. Hélas, il n'y avait pas de place pour leur amour. ». Tu te stoppes, tu divagues ou bien est-ce un autre que toi qui se glisse dans ton corps pour parler ? «
C'est bien connu, on a pas le droit à l'amour. Encore moins pendant la guerre. ». Tes yeux se voilent, un mirage passe. Ta grand-mère te borde avec amour, tu t'endors.
«
Eleazar ? », souffle-t-elle à l'homme en costume blanc. Il est assis dans son fauteuil, il lit un parchemin, ne semblant pas s'intéresser à elle. «
Je crois qu'Adriel se réveille, mon garçon. », il relève ses yeux bruns, l'interroge du regard. Adriel ? Pourquoi maintenant ?
~ ♦ ~
Rien ne t'avait préparé à ça. Pas même ton père. Tu n'avais pas voulu croire Nathanaël. Tu n'avais pas trouvé d'échos en Asriel, tu aurais du t'en douter. Mais Poudlard était une véritable épreuve du feu, qui te donnait l'impression d'être Ycare s'approchant trop du soleil. Et tu es un pantin trop libre & trop fragile qui se noient au grès de leurs émotions. Peur, douleur, lassitude, joie, excitation, tout cognent, dérapent, s'envolent, crissent contre ton crane. Et tu te laisse guider, emporter, supporter, tu t'oublie sur le fil des émois adolescents. Tu as quatorze ans & tu es broyé par les autres, si fort que tu suffoque, si fort que tu supplie ton père une énième fois dans une lettre que tu n'enverras pas, de venir t'enlever. Et tu pleure, tu t'effondre, seul, gamin trop bizarre qui fuit les autres. Personne ne te comprend. Personne ne s'arrête. Tu es une ombre. Rien de moins, rien de plus. Et il y a elle, sous sa tresse de cheveux blonds soignés, dans ses grands yeux clairs. Tu t'es assis ce matin de septembre à ses côtés, le même blason signait sa poitrine que la tienne. Il n'y avait rien. Juste ce grand, ce vide fou qui t'inspirait une grandeur & une noblesse inavouable.
Et elle est là, dans sa chevelure bien ordonné, portant ses lèvres à une tasse chaude, bouillante. Elle te fascine autant qu'elle te dérange. Comment peut-elle … ? Elle accomplit avec brio ce qui te fait défaut, elle terrasse dans un souffle le moindre trouble, renversant les règles du jeu, se permettant d'être cette fille qui ne ressent rien, cet être que rien n'émeut. Tu en as le souffle coupé, une admiration vive que tu ne sais communiquer au bord des lèvres. Il y a aussi cette autre chose en toi qui tord ton ventre, te compresse & tu te sens mal comme si tu savais que quelque chose de terrible allait lui arriver, comme si une part de toi te suppliait déjà de ne pas la laisser s'en aller loin de tes yeux. Et une peur te déshabille, ta voix se bloque emporté sous les assauts, tu n'ose pas son prénom, tu as peur d'en enlever toute la beauté. Au fond, c'est ridicule, mais tu as peur de briser ce silence qui te permet de respirer. Tu as peur de l'enlever à ses instants tant chéris. Fixe, ton regard est braqué sur elle, l'esprit cherchant une solution pour la retenir. Une seconde, il te reste une seconde avant qu'elle s'envole à tire d'ailes. «
Weiss ? ». Elle tourne la tête, posant des yeux vairons sur toi. «
Tu sais que tu es moche ? », c'est sorti plus vite que toi, plus vite que tout. Tu enfonce tes dents dans tes lèvres. Mais elle ne bouge pas, ne s'émeut pas. Tu t'attends pourtant à une tempête écrasante & brutale. On ne touche pas à la beauté d'une fille. Mais tu oublis toutes formes de bonnes manières, elle n'est pas une fille. Elle est mieux que ça. «
J'sais. ». Elle affiche un air totalement détaché, complètement déconnecté, tu ne l'ébranle pas, tu ne la touche pas. Tu n'es rien. Ou peut-être es-tu tout ?
~ ♦ ~
«
Je t'en prie … Pars. », ses larmes coulent, rivière brutale, assaut terrible, tu en as le souffle coupé. Ta raison se déchire, tes chaînes te freinent un instant.
Bordel, elle ressent & tu te prends en pleine gueule la profondeur sans fond de son mal-être, de ses sentiments qui explosent. Sans défense, tu es exposé cruellement à ses assauts, mais tu n'as pas peur, tu n'as pas à avoir peur. Le désir, la douleur, la tendresse t'aveuglent, se confondant en toi dans un mélange explosif & sans fond. Et tu t'approche «
Castiel … Je. ». Pas de peur, pas de raison de fuir, juste un puissant désir d'elle, une envie inégalable de faire fuir ses démons, en même temps que les siens. Ils disent tous qu'elle est toxique, sans cœur que c'est une reine des neiges, mais toi,
tu sais, tu le sens, ça vibre jusqu'au fond de tes tripes, au fond de toi, elle n'a jamais autant ressenti qu'à présent. Elle n'a jamais été aussi dangereuse & tu auras beau traverser une mer de serpent, tu ne vois qu'elle. Et là, l'évidence s'impose, il n'y a
jamais eu qu'elle. Dans tous ses corps qui s'entrelacent & se délassent, ses plaisirs éphémères, ses instants volés, tu n'as vécu que pour elle, que pour ce moment où elle se crevasserait de tous les côtés, emportant dans une terrible tempête toutes les futilités pour ne garder que vous dans la force & le fracas du vent de vos émotions sauvages. Tu veux l'aimer. Tu veux tout perdre encore & encore pour elle, pour ses émotions, pour ce feu ardent qui te tue. Et tu t'écrase, monstre de brutalité qui peine à contenir son émoi. Tu l'embrasse. Parce que ta vie, cette heure, ce jour, tout dépend de cet unique baiser & vos destins se nouent plus fort, plus vite, plus aveuglant. Tu l'aime une fois, une seule & unique fois & c'est comme si c'était des milliers de fois. Des milliers d'instants où tu te perds dans son corps, où vous ne faites qu'un, où elle enfonce ses ongles dans ta peau, où vos souffles rauques s'écrasent. Et il y a les caresses désordonnées, les suppliques, les murmures, vos cœurs à l'unissons. Ton âme entière, soulagée, pleine. Elle, tout simplement
elle.
~ ♦ ~
«
Hors de mon chemin, la bâtarde. », tu jauges ta sœur,
ta demi-soeur. Ces cheveux roux caressent ses épaules, elle penche la tête, s'interroge. Ta demi-soeur, cette injure que fait ton père à ta mère, accrochant votre nom dans une souillure infâme. Un rictus apparaît. «
Dégage, la morveuse. », craches-tu. Poudlard et elle a beau être d'un an ta cadette, tu lui rends la vie impossible, invivable. Tu l'aimes, mais mal. Mal car elle t'a remplacé. Ton père ne te regarde plus. Princesse rousse, princesse lumineuse, ces doigts s'emmêlent à ces cheveux, un sourire doux ou taquin. «
La jalousie te va mal, grand frère. ». Petite peste, elle sait jouer, elle a beau ne pas être empathe, elle connaît des ficelles que seuls elle ou ton père peuvent tirer. Elle a bien appris. «
Tais-toi. ». Elle rit de ce rire cristallin qui ferait fondre n'importe qui, sauf toi. Tu sais qu'elle est un putain de monstre, qu'elle est loin d'être si gentille, si douce. Elle te rafle tout. Et la haine explose, gicle, amer, dégueulasse, immonde, ferreuse. Tu as juste envie de lui cracher à la tronche combien tu hais partager le même sang qu'elle. Tu voudrais juste qu'elle disparaisse, que ton père n'ait pas déserté le lit conjugal. Il ne l'a jamais aimé, elle. Il n'aime personne. Sauf elle. Encore elle. Il n'en a jamais eu que pour elle. Et la rage éclatante, incendiaire te prend, te chevauche. «
Et comment va ta Weiss ? », souffle-t-elle sur le ton de la confidence. Marissa a, au fond, toujours été la plus dangereuse des roses. Un masque de tendresse et de douceur comme son apparence douce et délicate, qui ne souffle qu'innocence et beauté, comme les pétales qui s'envole au grès du vent, mais les épines sont là, tranchantes, amères, empoisonnées. Marissa n'avait d'innocence que le nom. Marissa n'était pas cet être sensible et doux, Marissa était un poison, lent, mortel qui se glisse dans vos veines. «
Ferme ta putain de gueule. », siffles-tu entre tes dents, tu te sens glisser, abandonner par ta meilleure amie. L'absence est cruelle. L'absence est douloureuse, l'absence te fait perdre la tête. Et elle redresse ses yeux clairs. «
Tu as toujours été faible, frangin. ». Elle tourne les talons dans une robe insolente, glissant jusqu'à son petit ami du moment. Ouai, tu le sais. Mais c'est elle qui aura ta peau, c'est elle qui te donnera le coup de grâce, c'est elle la belle, l'énergique, la pétillante qui est ton assassin. Marissa, cette rose effrontée et calculatrice. Ma-ris-sa, trois bonds sur ta langue, elle t'écorche les lèvres et le cœur. Bon dieu que vous vous aimez mais qu'est-ce que c'est mal.
~ ♦ ~
Un miroir, vous êtes miroir l'un de l'autre. Il est toi, tu es lui. C'est une autre époque, une autre vie. Il n'était qu'éternelle guerre, éternel conflit, homme dévasté par la mer, les vagues, homme aimant passionnément peu de choses mais d'un amour inconditionnel. Il était le Rossignol Pourpre. Il n'a jamais souhaité prendre ce qui te revenait. Il ne tenait pas à te terrasser. Ses yeux n'expriment nulle haine. Il n'est qu'affection comme un père devant son enfant. Il te jauge et souffle : «
Nous n'avons pas à nous battre, Castiel. Tu es une part de moi. ». Il a les cheveux plus long que toi, une épée à la hanche. C'est un guerrier, il a conquis des terres, il n'a jamais plié le genoux. Il y a son empathie, tu la sens comme un couteau, comme une envie cruelle de revanche. Mais il y a aussi cette étrange complicité. Il a toujours été là. Il a toujours veillé sur toi. Précieux & indéfectible ami, il est cette main bienveillante qui te guette. «
Pourquoi, maintenant ? ». Il ferme les yeux, soupire en silence. Tu as tellement à apprendre. «
Puisque nous sommes prêt. ». Tu as la gorge nouée par l'émoi. Tu trembles, cela fait si longtemps que vous vous attendez. Vous vous êtes toujours croisés, il a longtemps cherché à t'apprivoiser, à ce que tu le laisses entrer. «
Ne me crains pas, j'ai toujours été là. », souffle-t-il dans un sourire. Il connaît ta peur, il connaît cette sensation de folie qui t'habite. Il l'a, lui-même, cent fois vécu, cent fois expérimenté. La folie douce, la folie amère. «
N'aie pas peur, j'ai toujours été là. Il faut juste que tu me laisses entrer. ». ses mots roulent, véritable appel à la douceur, il peut te donner ce qui te manque, ployer à ce vide qui s'installe comme un trou béant dans ton cœur.
«
Réveille nous, Castiel. », et tu chutes brutalement. Tu tombes à travers les ténèbres, tu glisses de la lumière à l'ombre ou bien le contraire. Tu ne sais plus, tu virevoltes, tombes, tu n'as pourtant pas de peur accroché au ventre. Non, juste une plénitude étrange, une douceur dans le cœur. Tu plonges pour mieux rejaillir, pour mieux épouser le rossignol pourpre. Et tu le sens, partout, sur ta peau, ta langue, ton âme, ton cœur, il se glisse sur toutes les couches de ta vie de ton existence sans pour autant te noyer. Cet étrange ami semble faire de la courbe de ses yeux, le tour de ton cœur. Et tes yeux s'ouvrent, la lumière jaillit dans le dortoir des serpentards, mais tu n'en as que faire. Le souffle court, le regard lointain, enfin, tu vois. Tu t'éveilles d'un long, très long sommeil.
~ ♦ ~
L'angoisse, terrible et sucrée, glisse dans ton ventre. Toi, le bourreau des cœurs, le prince des glaces, te voilà dévorée par la peur, anéanti sous les secousses de ton myocarde avec une seule et unique question en tête.
Et si elle te disait non … ? La bague tourne entre tes doigts, tu as la trouille au ventre. Un serpent qui se mord la queue, vieux symbole du monde qui tire sur sa fin, la promesse de ne plus jamais être seule, de l'avoir pour toi, pour une éternité de bonheur. Est-ce une bonne idée ? Tu l'as toujours désiré. Tu as toujours voulu qu'elle soit à toi, seulement à toi. Tu n'as pour elle, son regard, sa bouche, sa personne un amour étrange, infini, coupable, trop gros pour toi. C'est lui qui te l'a fait comprendre, c'est lui qui t'a glissé que ton cœur n'avait attendu qu'elle. Elle danse avec finesse dans tes yeux, glisse dans une promesse. Tu la veux en entier pour tout le reste de ta vie. Tu glisse l'anneau dans sa boite, remet ta cravate. Il fallait être présentable selon ton père. Tu n'étais plus un gamin. Une moue désapprobatrice te fixe dans le miroir, les cheveux en arrière, le regard brillant d'émotion, tu te jauges. Tu n'es plus un gamin, tu ne veux plus jamais en être un. Pas pour elle, pas à ses yeux. Tu glisses la boite dans ta veste de costume et sort de ton lieu de repos. Il te faut juste un peu de courage, juste un peu de temps.
«
Veux-tu m'épouser ? », les mots étaient sortis de ta bouche à une vitesse folle, un genoux à terre, tu ouvres le boîtier noire, la bague repose, attendant sa légitime propriétaire, celle que ton cœur a choisi, celle que tu attends depuis une éternité. Elle cligne des yeux, semble hésiter. Ton cœur dérape. C'était absurde.
Comment une fille comme elle pourrait désirer un garçon comme toi? Mais tu as la folie d’espérer, tu sens son regard te flatter, tu n'es pas immunisé, tu ne l'as jamais autant aimé. Ta douleur n'est que synonyme de ses absences. Elle fut la gardienne de ta scolarité, l'amie dans l'ombre, cette part immortelle, éternelle de toi. Elle fut celle qui se fit dévorer dans tes bras engourdis, dans un souffle, un baiser, vous êtes tomber dans les yeux de l'un et de l'autre. Tu veux juste y croire encore. «
T-Tu.. es sérieux ? », tu l'as toujours été pour elle, tu l'es depuis quatre cents ans. Tu as peur. Elle est trop bien pour toi, tu le sais. Elle te bouffe, te bousille, mais tu as encore rêvé d'elle, de ses grands yeux clairs, de ses cheveux blonds. Putain, tu es raide dingue d'elle. Tu as peur de retourner en hiver sans elle. Tu as peur de ne plus avoir le droit à ses lèvres, à son regard, à son corps. Tout en douceur, comme une grâce étrange, coupable, elle te tend sa main. Et tes doigts glissent, caressent. Elle est tienne,
enfin.
~ ♦ ~
Tes lèvres s'accrochent aux siennes, pressent pour avoir un peu plus. Tu la serres contre toi, tes envies faisant tanguer le reste. «
Ma femme », souffles-tu dans un soupire de bien-être, d'amour pur. Tes sentiments ne sont que chaleur, lave en fusion. Tu fonds comme glace au soleil pour elle. Elle est belle dans sa robe, dans son regard, dans son bonheur. Tu l'aimes à en faire tanguer les étoiles. Tu l'aimes à en faire trembler le monde. Tes lèvres s'accrochent encore aux siennes. Tu oses, tu rêves. Jamais ton existence ne t'a semblé aussi éclatante, fulgurante. Ton bonheur implose et tu n'oses pas, tu as peur qu'il te file entre les doigts comme durant ces années. Tu frissonnes, voudrais encore la retenir. Mais elle s'esquive en riant. Ta femme, tu enfonces tes mains dans les poches de ton costume blanc en la suivant du regard. Le plus beau jour de ta vie, hein ? Sans aucun doute.
~ ♦ ~
Eden n'est qu'une petite chose. Et doucement, sans un bruit, sans même un son, elle agite ses petits bras. Légère et fragile, c'est ta petite et jolie princesse. Ses grands yeux te fixent. Tu la berces, tendre et doux. Ils dorment tous autour de toi, sauf elle. Elle est curieuse de ce monde, de toi. Tu la sens dans toute ses émotions primaires et jolies. «
Bonjour mon bébé », murmures-tu, elle a les yeux rivés vers toi, vers ta voix. Tu la sens dans chaque fibre de ton âme, de ton corps. Elle n'est que boule d'amour, bulle d'incertitude. Elle n'est que quelque chose qui grandi et qui continuera encore et encore, longtemps après toi, après que ta vie est touchée sa fin. Bébé du silence, elle a dans le cœur quelque chose qui te bouleverse, elle a dans les yeux quelque chose qui te terrasse. Personne ne touche à tes bébés. Est-ce donc cela être père ? Ne ressentir que de l'amour, ne vouloir que son bonheur. Elle te touche, elle t'agrippe. Tu l'aimes dés le premier regard. Elle brûle ta peau, tu es capable de tellement pour elle. «
Ça va, ma princesse ? », elle ne peut te répondre. Elle a eu du mal à pleurer, tu ne voulais pas qu'elle meurt. Ni toi, ni NJ ne l'auriez supporter. Elle observe tes lèvres, sent la chaleur de ta voix. Et tu ne cesses de la bercer, de l’apaiser.
«
Tu connais déjà Maman, mon cœur ? », tu lui montres NJ, plongée dans un coma. Tu ne veux pas qu'elle te laisse alors tes doigts ne cessent de caresser les siens, tu l'appelles dans son sommeil, frotte le début de barbe qui te dévore les joues.
Ne me laisse pas seul, implores-tu en silence. Tu ne saurais pas t'occuper d'eux. Tu ne saurais pas faire face sans elle. Tu n'as
jamais su faire face. C'est juste trop difficile de la laisser s'en aller. Pas sans elle, jamais plus sans elle. Tu ne veux plus d'amour si ce n'est plus elle qui te le donne. Tu passes tes nuits, tes jours, auprès d'elle, tu la retiens. Tu voudrais tellement la retenir. Adriel hurle en toi. Tout te dépasse. Tu ne veux plus jamais vivre sans elle. Alors le souffle coupé, tu murmures à ton bébé «
Dis-moi que Maman reviendra, mon ange. Dis-moi qu'elle nous entend. Dis-moi qu'on sera bien, ensemble. ». Elle ne te comprend pas cette boule d'amour. D'un souffle, tu la guides vers le berceau de ses frères, «
Regards, ils dorment bien. Je suis sure qu'il y a encore plein de jeux que Maman peut vous apprendre. ». Elle gazouille, ne perçoit pas l'ampleur de ta détresse. Ton petit bébé ne peut ramener ta belle au bois dormant, alors en douceur, tu la mets dans le berceau.
«
Je t'en supplie, ne me laisse pas. », tu craques, anéanti par la perspective de la perdre. Tu n'as jamais aimé si fort. Tu n'as jamais souffert autant. «
Réveilles-toi. », le trouble est terrible dans tes yeux ténèbres. «
Allez, je t'en prie, mon amour, ouvre les yeux. », tu geins, tremblant. La souffrance crève ton cœur, déchire l'espace. Tu ne veux pas vivre ça,
plus jamais. N'y avait-il que du vent dans vos promesses ? Le vent vous mènera-t-il vers la même fin ? Et une main délicate se pose sur ton épaule, tranquille et douce, comme un papillon. «
E-elle ne te laissera pas, Castiel. ». Echo, ta douce Echo, celle qui est ta véritable mère, celle que ton cœur ne saurait pas décrire si ce n'est qu'ainsi. Tendre et gentille Echo, toujours là, elle te prend dans ses bras, caresse tes cheveux, te rassure. Tu ne dors plus, tu ne veux pas dormir sans elle.
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La patience ne t'a jamais intéressé. Il paraît que c'est le lot des gosses de riche. A trop avoir tout, tout de suite, vous devenez méprisants avec certaines vertus. Tu n'as jamais aimé la patience. Homme d'action, de passion, tu accroches tes yeux mordorés à l'homme. L'esprit au garde à vous, tu détailles ce père retardataire, ce père à mille lieux de toute tendresse. Il a échoué. Ta sentence est irrévocable, brutal et irrévocable. Tes désirs de vengeance te damnent et te condamnent, bien plus que cet homme célèbre pour trifouiller deux/trois trucs. Tu ne lui accordes que ta haine, ta violence dans toute la force de ton empathie. Et la batte tourne mécaniquement entre tes doigts. Tu essayes, tu échoues. Lamentable pantin de tes désirs, tu le scrutes.
Comment a-t-il osé … ? Ton cœur en vrac tombe à tes pieds, alors que tu te défais du métal froid de ta montre trop chère. Hors de question de la briser pour lui, c'est un cadeau de ton père. Tu le vrilles, électrique. Au diable, les leçons de ton père. Au diable, le contrôle, tu ne peux pas accepter, tu ne peux pas
l'accepter. Les jeux sont, au final, déjà faits. Il l'a détruit, anéanti, refuser de l'assumer. Il n'a jamais été là & il pulvérise vos vies en revenant tel un putain de météore. Tu lui jettes le journal d'aujourd'hui, froissé sous tes mains, déchiré à plusieurs endroits. «
Ça vous amuse, Weiss ? », grondes-tu, le gros titre dansant dans tes yeux ;
Les secrets de Lazlo Weiss dévoilés. Les photos mouvantes surgissent, une putain de photo de ta femme & de tes enfants. Il a osé ce salopard. Tu vois la bouille d'Eden, ces boucles brunes et le regard tendre d'NJ.
Ta NJ. «
Vous n'êtes peut-être qu'un père sur le papier, mais je vous interdis, Weiss, d'éclabousser ma famille avec vos conneries. », et la batte part, s'enfonce comme un rien contre son ventre. Tu contemples, amer, ta rage, ta colère. Tu es fait du feu des sentiments, du feu d'un père. Tu en as marre qu'ils soient exposés sans prudence par cet imbécile. Tu cognes, habité par une puissance inconnue, les mots se sont déposés sur ton cœur et l'a écorché. «
Vous êtes un égoïste, Lazlo Weiss. ». Parfaitement, il l'est autant que toi, en vérité. Tu te caches derrière ta lâcheté, ta peur qu'elle ne veuille plus de toi, qu'elle emporte votre amour avec elle, avec eux. Le souffle court, tu lui donnes un dernier coup, admire l'homme courbé en deux, sous le joug de ta violence. Il aurait pu se défendre, te briser, tu le sais. Mais il n'a rien fait. Il sait le silence, il sait que tu ne peux pas te contrôler quand elle est en jeu, quand ils sont en jeu. Les images défilent, s'entrechoquent. Tu le hais. Tu le hais si fort, à en perdre le nord, à en avoir le vertige. T'as fait le tour de tout, tu remets ta montre. Le regard au loin, tu glisses à ses côtés une fiole de potion de soin. Tu n'es pas un enfoiré total.
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«
Qu'elle repose en paix. », les roses tombent sur le cercueil blanc. Tu la revois ces cheveux roux étendues comme une couronne de roses rouges sous sa tête, les traits du visage bouffée comme une vieille pomme ridée, elle n'avait pas cette beauté dont ton enfance l'avait enrobé. Non, elle n'était pas belle, absolument pas. Dans une douleur incontrôlable, elle avait été figée. Dans une moue de supplice délectable, son corps rachitique et vieux s'était courbé. Elle ne ressemblait qu'à une vieille chose chiffonnée, tuée par les années. Le rouge lui va bien au teint. On t'a vaguement murmuré qu'elle était morte à cause d'une dose trop forte de potion. Vous n'aviez pas souhaité porté plainte. La vérité toute nue c'était qu'on vous arrachait une épine du pied. On ne supportait pas les empathes fous chez les Rosenthal, on acceptait mal l'échec. Ta mère en était un. Ta stupide et folle mère était l'échec et une honte amère de cette famille. Ton père n'était pas homme de cœur, il ne l'avait jamais aimé. Et tu observes le cercueil descendre. Tu n'as pas pleuré. Elle ne t'a jamais attiré aucune sympathie. Ce n'était pas ta mère. Ta mère est morte depuis des années. Tu presses l'épaule d'NJ. «
Rentrons, les enfants nous attendent. ». C'est une autre ère, une autre époque. Tu es un joueur de quidditch, tu es un des héritiers potentiels de ton père, le monde se tourne vers toi, frissonne, se demandant comment une femme comme NJ a pu accrocher ces yeux sur toi, te ranger. Il semblerait que le mariage du ciel & de la terre déplaise. Qu'importe, tu l'aimes, tu les aimes. Empathe ou Fourchelangue, peu importe, ils sont de ta famille.