Juliette. Juliette Delcourt. Ce fut comme cela que ses parents la nommèrent à sa naissance. Une belle petite tête blonde qui vit le jour un soir d’octobre dans le sud de la France. L’appeler Juliette fut comme une évidence pour les parents Delcourt. Leur fille avait une tête à s’appeler Juliette, c’était aussi simple que ça. La petite Juliette, elle reçut beaucoup d’amour. Elle était tellement adorable. Toujours à sourire, toujours gentille. À croire qu’elle n’avait aucun défaut cette gamine. Même envers ses deux sœurs, elle n’a jamais éprouvé la moindre jalousie. La vie était belle. Trop belle peut-être. Il y avait trop de joie, trop de bonheur dans cette petite famille. C’est durant une chaude soirée d’été que tout s’envola, que tout disparut. Ce soir-là, le bonheur fit place au malheur. La tristesse prit la place de la joie. Des vies prises, une vie brisée une première fois. Ce fut un incendie qui détruisit le bonheur de la famille Delcourt. Un incendie violent et terrible. Un incendie dans lequel Juliette perdit ses parents et ses deux sœurs. Juliette n’avait que dix ans. C’était encore une enfant. Une enfant qui venait de perdre ses repères. Son père et sa mère n’étaient plus, tout comme ses deux sœurs. « Je ne les reverrai plus jamais c’est ça ? » avait-elle demandé à une femme tirée à quatre épingles qui l’emmenait chez son oncle. Un oncle qu’elle ne connaissait pas, qu’elle n’avait jamais vu. Un oncle qui vivait en Angleterre. La femme s’était contentée d’hocher négativement la tête avant de reporter son attention sur la route. Juliette comprit très vite que jamais plus elle ne verrait son père lui sourire, sa mère la prendre dans ses bras et jamais plus elle n’entendrait ses deux sœurs rigoler. La première rencontre avec son oncle fut légèrement glaciale. Juliette n’avait jamais entendu parlé de lui, elle ne savait même pas comment s’il s’appelait. « Mon oncle. » Ce fut comme cela qu’elle s’adressa à lui la première fois. Son oncle l’avait longuement regardée avant de poser l’une de ses mains sur son épaule. « Tu ressembles tellement à Evanna ... » Evanna. La mère de Juliette. La sœur de l’oncle. Ce jour-là, aucune autre parole ne fut échangée.

« Juliette, calme-toi s’il te plait ! » Ses cheveux blonds en bataille, Juliette secoua violemment la tête. « Pourquoi tu ne veux pas qu’on y aille ? » demanda-t-elle à son oncle qui se tenait debout de l’autre côté du salon. Elle ne comprenait pas pourquoi il venait de lui refuser sa demande. C’était pourtant tout à fait légitime. « Je ne veux pas que tu retournes là-bas. Cela te fera plus de mal qu’autre chose. » La voix de son oncle était calme. À l’inverse de Juliette qui était plus énervée qu’autre chose. Une vraie petite boule de nerf. « T’as pas le droit ! C’est pas juste ! » lui répondit-elle tout en tapant du pied sur le sol. « J’ai le droit de retourner en France mon oncle ! » Tout ce qu’elle voulait, c’était aller en France, au cimetière, se recueillir sur les tombes de ses parents et de ses deux sœurs. Chose que son oncle ne semblait pas accepter. Une nouvelle fois, l’homme lui répéta que c’était hors de question. De plus, selon ses dires, il n’avait pas assez de forces pour faire un tel voyage. À croire que le Royaume-Uni et la France étaient éloignés par un océan comme celui du Pacifique. La blondinette sentit encore une fois la colère monter en elle. Elle avait l’impression qu’elle allait exploser tellement sa colère était forte. Au final, ce n’est pas elle qui explosa mais les vitres. Toutes les fenêtres explosèrent en plus de mille morceaux. Juliette hurla. Son oncle se précipita pour la prendre dans ses bras et la protéger. Ils restèrent comme ça durant plusieurs minutes. Plusieurs minutes durant lesquelles seules leurs respirations se faisaient entendre. « Tu n’as rien Juliette ? » Trop sous le choc pour parler, la gamine se contenta d’hocher la tête. Son oncle s’écarta d’elle et observa avec attention les morceaux de verres au sol avant de reporter son attention sur Juliette. « Hé bien Juliette, si je m’attendais à ça de ta part... » lui lança-t-il avec un mince sourire sur ses lèvres. La gamine fronça les sourcils tandis que tout son corps tremblait encore de peur.  Il ne s’attendait pas à quoi ? « Tu es une sorcière. » Pardon ? Sur le coup, Juliette eut une folle envie de rire. Cependant, elle se retint face au regard de son oncle. Bon, il ne plaisantait peut-être pas après tout...    

Juliette attendait. Elle attendait, assise sur un tabouret, face à une foule d’adolescents en tout genre. Le Choixpeau magique venait juste d’être déposé sur sa tête blonde. Le silence se fit dans la salle. Elle en profita pour fermer les yeux quelques instants. Quelques instants pour repenser à ce qui l’avait amené ici. A Hogwarts. Elle se souvenait comme si c’était hier du jour où elle avait découvert l’existence de ses pouvoirs magiques, le jour où elle avait découvert qu’elle était une sorcière. Son oncle avait alors commencé à lui expliquer tout ce qu’il y avait à savoir sur la sorcellerie. Un peu de A à Z. Il avait fallu deux, trois jours à Juliette pour tout assimiler, pour se faire à l’idée qu’elle était une sorcière. Grâce à son oncle, elle apprit qu’il existait une école de sorcier en Angleterre. Hogwarts. Malheureusement, il s’opposa farouchement à ce qu’elle y aille. « C’est dangereux. Et cela va le devenir de plus en plus j’ai l’impression. » Il était inutile de discuter avec lui lorsqu’il avait une idée en tête. Ca, Juliette avait fini par le savoir. L’enseignement de la sorcellerie, les bases rudimentaires et un peu plus poussées, tout cela lui fut enseigné par son oncle. En plus de son rôle de professeur, l’oncle eut également un rôle à jouer dans les histoires d’amour de la jeune Juliette. Un soir, alors qu’ils mangeaient, son oncle lui annonça qu’il avait trouvé un bon parti pour elle, qu’elle était fiancée. Veysel Carrow. C’était comme cela que se nommait son fiancé. Elle ne le connaissait pas, elle ne l’avait jamais vu. D’après son oncle, c’était un sorcier assez prometteur. La belle affaire ! Juliette ne s’y était pas opposée. Elle n’aurait rien su y changer. Veysel étudiait à Hogwarts. Là où Juliette avait interdiction formelle de mettre les pieds. Hogwarts, elle dut attendre la mort de son oncle pour y mettre les pieds. La mort de son oncle la peina assez. Elle avait appris à apprécier cet homme qui lui était si inconnu lors de son arrivée. Elle avait fini par le considérer comme un père de substitution. Oui, il lui manquait. Il lui manquait et voilà qu’elle était à Hogwarts. « Ravenclaw ! » Juliette ouvrit les yeux tandis qu’une salve d’acclamation se fit entendre à l’une des quatre grandes tables. Le sourire aux lèvres, elle alla rejoindre sa nouvelle « maison ».

« Tu ... Tu préfères la compagnie des hommes n’est-ce pas ? » Sa voix n’est qu’un murmure. Assise sur l’un des bancs dans la cour, Juliette regarda attentivement Veysel. Le jeune homme semblait quelque peu surpris par la question de sa fiancée. Pourtant, sa question était loin d’être bête. Juliette se doutait parfaitement de la réponse. Elle n’était pas aveugle, loin de là. Il ne lui avait fallu que quelques mois pour le comprendre, pour le devenir. Quelques mois durant lesquels elle avait appris à connaitre son fiancé. Un homme gentil, serviable. Trop même. « Oui. Écoute Juliette, je ... je suis désolé. La dernière chose que je veux, c’est te faire souffrir. » Voilà, la confirmation est là. Elle avait raison. Son fiancé aimait les hommes. Elle se demanda alors si Balthazar et Kazran étaient au courant ... Les amis de Veysel, devenus ses amis à elle également. Enfin, pour Kazran du moins. Avec Balthazar, c’était plus compliqué, un peu plus tendu. Elle sourit à Veysel prenant sa main dans la sienne. « C’est bon Veysel. Je ne t’en veux pas. Je ne pourrai pas t’en vouloir de toute façon. Tu as le droit d’aimer qui tu veux. » Il aimait qui il voulait. Elle n’avait pas à lui imposer de l’aimer elle. Ce serait injuste. Le mariage fut néanmoins maintenu. Un mariage qui n’aura jamais lieu. La veille de celui-ci, Veysel mourut. Il fut assassiné dans la Grande Sale. Son meurtrier était introuvable. Juliette en fut dévastée. A vingt ans, elle venait de perdre son fiancé. Ses parents, ses deux sœurs, son oncle et maintenant son fiancé. Elle perdait tous les êtres chers auxquels elle tenait. Une nouvelle fois, elle se retrouvait seule. Seule comme elle l’avait été à la mort de ses parents et de ses sœurs. Seule comme elle l’avait été à la mort de son oncle. A chaque fois cependant, elle avait trouvé quelqu’un sur qui comptait, quelqu’un pour l’aider à se sentir moins seule. Mais ici avec la mort de Veysel ... Cette peur constante d’être seule la pousse à aller se réfugier chez Kazran, meilleur ami de Veysel. Tout ce que Juliette voulait, c’était une épaule sur laquelle pleurer, quelqu’un pour la consoler, quelqu’un auprès d’elle pour qu’elle ne se sente plus seule. Ça fonctionna. Une semaine. Et pas un jour de plus. Kazran finit également à mourir, laissant Juliette seule. La jeune femme se tourna alors vers la dernière personne qui restait : Balthazar. Le jeune homme l’accueillit les bras grands ouverts. Juliette finit par l’épouser. Plus par désespoir de cause qu’autre chose au début. Oh, elle a fini par l’apprécier avec le temps. À l’aimer un peu également. Dans toute cette histoire, la guerre est également entrée en jeu. Une guerre terrible. Une guerre ponctuée de nombreux meurtres. Si Juliette a su s’en sortir sans vraiment de « dommages », ce ne fut pas le cas de son mari. Son mari qu’elle avait appris à aimer. Un mari qui avait fini par changer. Un mari devenu monstre, un mari qui la frappait. Juliette se laissait faire, Juliette se taisait. Et un jour, ce fut à son tour de mourir. Juliette mourut sous les coups de son mari. Après ses parents, ses sœurs, son oncle, son fiancé, une cousine à elle également (dont elle a été incapable de croire en son innocence sur le moment) et son amant, elle mourut elle aussi. La boucle était bouclée. Elle avait trente et un ans. Trente et un ans passés à échapper à la mort, à cette mort qui rôdait autour d’elle comme un vautour. La mort qui avait finalement réussi à l’avoir.    

« Non, rends-moi ça, c’est la mienne ! » hurla Elsbeth à l’intention d’un petit garçon qui tenait une glace en main. Cette glace, c’était celle d’Elsbeth. Ryder n’avait rien trouvé de mieux que de prendre celle de son amie pour l’embêter un peu. Ils couraient tous les deux dans une petite rue de Bristol. Bristol, la ville qui avait vu naitre Elsbeth. Elle était née dans un quartier un peu pourri, un quartier dur. Un quartier où la pauvreté était monnaie courante. Elle y vivait avec ses parents, sa petite sœur et son petit frère. Une famille très modeste avec trois enfants. « C’est bon, c’est bon, je te la rends. C’était pour rire Els’ » Ryder s’arrêta de courir et se tourna vers son amie. Une amie à bout de souffle. Elle attrapa vite fait sa glace et rigola. Elsbeth rigolait mais, au fond d’elle, elle était triste. Triste parce que demain, celui qu’elle adorait, celui qu’elle considérait en quelque sorte comme son frère, partait. Il partait à Hogwarts. Elle, elle restait à Bristol. Elle devait encore attendre avant d’aller dans l’école de sorcellerie.  Une année sans voir Ryder, cela allait être extrêmement difficile. Ryde, elle le connait depuis la plus tendre enfance. C’était un sorcier, comme elle. Même si ses parents ne lui avaient jamais clairement parlé, Elsbeth s’était toujours doutée qu’elle était une sorcière. Comme ses parents. Des parents ruinés, des parents obligés de vivre parmi les moldus. Elsbeth était d’ailleurs de sang-mêlé.  « On se reverra vite, crois-moi. Je t’écrirai aussi souvent que possible, je te le promets ! » Et il avait tenu parole. La jeune fille avait reçu une quantité impressionnante de lettres de la part de son meilleur ami. Elle y avait toujours répondu le plus vite possible, trop heureuse qu’il n’ait pas oublié sa promesse. Lorsque le grand jour arriva, c’est toute excitée qu’elle se rendit à la voie 9 ¾ avec Ryder à ses côtés. Dans le train, il la présenta à quelques amis à lui et elle se sentit déjà bien entourée. Le Choixpeau l’envoya à Ravenclaw. Assez vite, Elsbeth se lia d’amitié avec deux jeunes femmes : Alecto et Eysin. Elles formèrent un trio. Un trio dans lequel, Elsbeth se sentait parfois à part, voire de côté. Surtout vis-à-vis d’Alecto. Peu importe. Cela n’empêcha pas la jeune femme de victimiser les autres avec l’aide de ses deux amies. Echo fit partie de leurs victimes. Echo ou la fille pour laquelle Elsbeth eut le plus de remords. Des remords, car, au fond d’elle, la blonde savait qu’elle faisait cela uniquement pour plaire à ses amies et pour la popularité. Rien de plus.  Une popularité qu’elle avait grâce à sa personnalité. Son rire reconnaissable entre mille, sa façon de plaire aux mecs et de les draguer... Même auprès des garçons, elle était populaire. C’était dire.  

« On bave encore Maelwys? » Sourire mesquin sur les lèvres, Elsbeth observait Maelwys préparait son cours dans la salle des professeurs.Il était prof, comme elle. Elle, elle enseignait la métamorphose, un domaine dans lequel elle avait toujours été très douée. Lui, avait choisi l’histoire de la magie. Un cours qu’Elsbeth avait toujours trouvé barbant et ennuyant. Maelwys releva la tête et ses yeux croisèrent ceux de la demoiselle. Durant quelques secondes, il soutint son regard avant de le baisser de nouveau vers ses notes. Maelwys... Lui aussi avait vécu dans la même rue qu’elle et Ryder. Pourtant, la jeune femme ne l’avait jamais côtoyé. Elle préférait la compagnie de Ryder. Elsbeth haussa les épaules, amusée. Elle empoigna son sac et sortit de la salle. Ce soir, elle sortait. Ce soir, elle allait aller dans un bar. Là où Elijah travaillait en tant que DJ la nuit. Cela faisait déjà quelques jours qu’elle ne l’avait pas vu et c’était déjà trop. Elijah c’était un bon ami. Avant, ils avaient été amants. Un amant de plus parmi toute la collection d’Elsbeth. La fois où il lui a avoué son homosexualité, elle s’était contentée de sourire et de le prendre dans ses bras. Cela ne l’avait pas plus choqué que ça. Bref, ce soir, ils allaient pouvoir parler de tout et de rien. Et surtout, s’amuser et se raconter les derniers ragots à la mode. Et Ryder dans tout cela ? Elsbeth et lui sont toujours amis. Amis oui ... Même si ce mot sonne de plus en plus étrange aux yeux de la blondinette. Elle a la nette impression que l’amitié qu’elle voue à Ryder est en train de changer, d’évoluer. Évoluer en quelque chose comme de l’amour. Cependant, il ne faut pas croire que ce sentiment l’empêche d’aller voir à gauche et à droite. Loin de là. Elsbeth, elle est comme cela. Elle aime sortir avec des mecs.