Papa n’est pas là. Il n’est pas souvent là. Papa, il travaille au Ministère, pour faire fonctionner la société. Alors, il revient souvent tard, parce qu’il doit discuter avec des gens importants. Rier, il doit être fier de ce que fait son Papa. Plus tard, quand il sera grand, il pourra aussi travailler au Ministère. Mais c’est dans longtemps tout ça, pour l’instant il est encore un petit enfant. Un enfant qui s’ennuie dans sa grande maison. Il irait bien voir Maman, en haut. Mais elle est malade, encore. Elle lui a dit de ne surtout pas venir la déranger, que le docteur allait venir la soigner. Pourtant, Rier a observé, qu’elle était toujours en pleine forme quand le docteur partait, elle souriait même. Alors Rier, il se dit que quand même, ce sont tous des docteurs très doués qui viennent soigner Maman, pour qu’elle guérisse aussi vite. Or, Rier est un peut garçon et comme tous les petits garçons, il est très curieux. Rier il voudrait bien savoir comment les docteurs font pour soigner Maman. Alors, il brave l’interdit et monte tout doucement l’escalier pour s’approcher, sans bruit, de la porte de la chambre de Maman. Il colle son œil contre le trou de la serrure en écoutant bien ce qu’il se passe. Ils respirent tous les deux très forts et Maman pousse même des petits cris de temps en temps. Rier n’arrive pas très bien à voir, mais il a bien l’impression qu’ils sont tous les deux tout nus. C’est là qu’Alphonse lui a dit que le docteur voulait mettre sa petite graine dans le ventre de Maman et qu’ensuite, la petite graine allait grandir et devenir un enfant. Rier, il traite Alphonse de menteur, parce que Maman elle peut faire grandir que la petite graine de Papa et que le docteur il n’avait aucune raison de vouloir un enfant avec sa Maman à lui et que c’était interdit de voler sa Maman. Alphonse s’est vexé. Mais ils se réconcilient pas bien longtemps après, parce que Rier s’ennuie bien vite et Alphonse, c’est son seul ami. Même s’il ne peut pas le voir ou le toucher, parce que Alphonse, il est mort.


Il s’ennuie, l’enfant, dans ce monde d’adultes. Pleins de gens sérieux. Il doit se tenir tranquille, oui. Il doit acquiescer et leur sourire. Il attend donc sagement la fin du repas qui s’éternise, prête une oreille distraite aux conversations dont il ne sait pas entièrement la teneur. Il a le regard  un peu absent, perdu au loin, vers la forêt de leur domaine. Maman prend un peu pitié, elle lui dit d’aller jouer. L’enfant ne se le fait pas dire deux fois. Ni une ni deux, il a déjà filé. À quatre pattes, les oreilles pointues et le museau rusé. Il courre, l’animal, rejoint ses compagnons de jeu. Il poursuit un oiseau, dans toute son innocence, heureux comme un petit enfant. Il ne voit pas le drame arriver. La balle qui a été tirée et qui file à grande vitesse vers lui. Pourquoi as-t-il fallu qu’il tire si bien. La balle creuse son chemin dans son flanc. L’animal écarquille les yeux, arrêté net dans son mouvement. Il a mal, soudain. Il y a un cri d’euphorie, quelque part au loin. Puis la réalisation, affreuse, pesante, lorsque le corps reprend sa forme originelle. Le cri de détresse. Il a le sang qui coule, la vision qui se brouille, voici venu le temps du dernier souffle. Maman accoure, aussi vite qu’elle le peut. Mais c’est trop tard, Alphonse est mort. Rier ouvre les yeux, le front plein de sueur, la respiration saccadée. Il fait nuit noire, il a encore fait le même cauchemar.


Il grandit bien seul, Rier. Entre l’absence de son père qui courre après le prestige et l’inattention de sa mère trop préoccupée par les queues de ses amants et faire en sorte que cela ne se sache pas. Il n’y avait pas vraiment de place pour un être en plus dans cet égoïsme d’apparence. Rier, il n’était bon qu’à exhiber cinq minutes pour sourire à l’invité de marque qui était invité à dîner pour un soir. Vulgaire pièce manquante pour combler l’image de la famille parfaite. Ils avaient bien payé un professeur particulier pour essayer d’en faire quelque chose qui leur deviendrait utile en temps venu, lorsqu’il s’agira d’hériter des contacts et de la fortune familiale. Ainsi Rier, il est laissé à lui-même la plupart du temps avec seulement un enfant mort imaginaire pour lui tenir compagnie. Y’a une jalousie qui se terre au creux de ses entrailles. Et Rier, il voit dans ses rêves, il entend Alphonse lui en parler, une meilleure vie, des parents qui sont là, des sourires, des rires, une belle demeure. Et le monstre tapi, il grossit, les griffes s’allongent, le grognement irrite la gorge. La rancœur noircit l’esprit et l’amertume pourrit le cœur. Seul, il sombre, sans repère, dans l’océan obscur. Personne ne viendra le sauver. L’enfant n’est plus. Alphonse est oublié, terré dans son coin, effacé, comme s’il n’avait jamais existé. Rier est grand maintenant, il peut se détruire tout seul à présent.


La proie est allongée sur le lit, seul un drap fin recouvre son corps dévêtu. Dors, dors encore, petit agneau, profite de tes derniers instants de paix avant que le monstre ne vienne te croquer. Regarde le, avec son sourire mauvais qui lui tord les lèvres. Il en salive déjà, le salaud. Il vit de vos cris, de vos rejets, de votre violence. Sale fouteur de merde, il n’est resté que pour voir ça. La proie grogne, ses yeux se plissent, il sort lentement de sa léthargie. Les souvenirs de la nuit reviennent peu à peu, les pièces du puzzle se remettent en place. Rier scrute les changements d’expression dans son visage, la cruelle réalisation de ses méfaits, il attend le déni, un peu de haine gratuite. Ça ne rate jamais. « Putain de bordel de merde. » Grognements affables, il se redresse, les yeux rivés sur Rier. « Mais qu’est ce tu fous là, j’suis pas pédé putain. » Lamentable, Rier, se contente de le toiser, il cherche même plus à masquer sa folle envie de rire. C’est bien difficile à le voir essayer de récupérer tous ces vêtements en se découvrant le moins possible. « Si tu le dis. » Il se penche sur la table de chevet, pour se sortir une clope qu’il allume d’un petit mouvement de baguette. Il lui souffle un peu de fumée dans la gueule. « Putain, j’suis sérieux mec, j’ai une copine et j’aime ses seins et son bon cul. Ça reste entre nous tout ça, tu m’entends ? » C’est qu’elle sortirait presque les crocs, la bestiole. Rier, il abuse sûrement, un peu, beaucoup, à la folie. Tout est excès, il en veut toujours plus, il n’en a jamais assez. Il boit trop, fume trop, saute tout ce qui a une queue entre les jambes, il emmerde son monde. C’est pas parce qu’il aime les hommes qu’il va se comporter comme une gonzesse fleur bleue. Incapable d’aimer quelqu’un d’autre que lui. Il se fout bien que tout le monde sache qu’il n’aime pas les paires de seins. Si vous auriez vu la tête de sa mère lorsqu’elle a appris que toutes ses amies étaient au courant. Ça valait presque celle qu’elle a tiré en découvrant son fils au lit avec un de ses propres amants. « Tu peux retourner lui brouter la chatte l’esprit tranquille, elle ne saura rien de ton petit penchant pour ma bite. » Nouvelle bouffée de cigarette, sourire obscène. « Va t’faire foutre. » Il se lève, la main déjà sur la poignée, la mâchoire crispée, une dernière fusillade du regard. « T’veux déjà remettre le couvert ? T’es pas censé m’inviter à dîner avant ? » Toujours obligé d’avoir le dernier mot.


Rier se perd, un peu, beaucoup, trop souvent, dans les draps, dans des salles de classes abandonnées, des chiottes mal nettoyées. Empli de désirs futiles, il erre, à la recherche de sensation, de défi, de quoi vivre. Une poussée d’adrénaline, une raison de continuer. Ce n’est pas bon, pas bon du tout. Rier sombre, trop vite, trop fort. Il se retrouve dans des endroits sans se souvenir comment il est venu. Des inconnus lui sourient et parlent sans qu’ils ne les aient jamais rencontrés. Il trouve des dragées surprises dans toutes ses poches, alors qu’il n’en a jamais acheté. Ses amis se fâchent pour un rien. Il ne comprend pas tout de suite, non. Il pense que ça y’est, il est vire complètement cinglé. Il va arrêter, ouais. La coke, l’alcool et tout ça. Il déraille complet. Et puis, il comprend. « Je t’ai manqué, hein ? » La voix enfantine résonne dans son esprit. L’enfant renard aux mauvais tours. Il s’est tut pendant tant d’années. Rier pensait l’avoir imaginé, substitut à la solitude. Mais Alphonse est revenu, plus réel que jamais, cheveu sur la soupe, comme si de rien était. Le gamin lui a joué de sales tours, pour son propre amusement. S’il n’était pas aussi furieux, Rier aurait presque pu l’admirer. C’est le début d’une guerre intérieure, Rier lutte, mais Alphonse attend son heure pour prendre le dessus. Chacun tape sur les nerfs de l’autre, chamailleries de frères. Et puis, sans que ni l’un ni l’autre ne l’emporte, ils lassent peu à peu. La colère tombe, la trêve se lève. Comme au bon vieux temps, Alphonse et Rier se réconcilient, encore.


C'est le milieu de la nuit. Alphonse court, fonce à travers les couloirs du château, à sa poursuite, un espèce de gorille humain aux traits déformés par la rage, il n'a pas apprécié le petit changement de coiffure qu'Alphonse lui a infligé. Une belle et longue chevelure rose flamboyante trône là où jadis gisaient quelques touffes brunes. Alphonse percute quelques objets en passant, une armure s'écroule peut-être, il n'a pas le temps de s'en inquiéter. Il tourne la tête pour voir si le singe aurait par hasard perdu sa trace. Ne l'apercevant pas, il s'apprête à arrêter sa course, quand son corps entier en perturbe en autre. Le choc les propulse tous les deux à terre, Alphonse tombe sur ses fesses, mais l'autre malheureux se prend carrément une autre de ses armures qui jonchent le chateau et se reçoit le casque doré sur le crâne. Et Alphonse réagit comme n'importe quel gamin de neuf ans l'aurait fait, au lieu de s'excuser et de l'aider, il s'écroule de riee par terre. Sauf que l'objet de sa soudaine gaieté n'était autre qu'un préfet et que l'heure du couvre feu était largement passée qui ne possède pas vraiment le même humour que lui. Ainsi, Rier se retrouve à se coltiner de trop longues heures de retenues, où on l'oblige à aider le concierge, rien que ça. Lui, Rier Pitts, réduit à faire le ménage, sans possibilité de recours à la magie. Ça ne se passera pas comme ça, non. Pourtant, un affreux sourire se dessinne sur ses lèvres, il fomente déjà sa vengeance, rancunier comme il est. Rier, va tourner autour de sa proie, à l'affût de ses faiblesses. Et petit à petit Rier s'incruste dans la vie d'A.V, jusque dans son lit. Se frayant un passage à force de son charisme et de quelques sourires. Ce fut long et délicat, plus qu'il ne l'aurait cru. Mais il réussit, sans grande surprise. C'était sa dernière année, les choses changeaient, le préfet naguère si bon et respectueux ont laissé place à tout autre chose. Un être sombre, sanguinaire. Rier le sentait, il s'en retrouvait plus attiré. Alors, il ne le jeta pas tput de suite, comme il avait entendu le faire, au départ. Il joue avec le feu, les canines du grand méchant loup. Rier, il a bien remarqué, la façon avec laquelle A.V. le regardait. Il connait que trop bien cette lueur, pour l'avoir vu dans quelques uns de ses amants éconduits. Alors, Rier, il fait ce qu'il a toujours fait. Il abuse. Il manipule, se joue de lui, toujours là pour le pousser dans ses retranchements, appuyer là où ça fait mal. Il obtient même de lui un poste qu'il ne mérite absolument pas au Ministère. Il s'en amuse grandement. Quelque part, A.V. le fascine, un peu trop sûrement. Il se sent puissant, comme le maître qui tiendrait la laisse du chien trop violent. Et la petite vengeance est devenue beaucoup plus, un jeu malsain dont lui-même ne connait pas les limites. Et bordel ce que ça lui plaît.