1613. Le teint pâle. Un visage entouré de cheveux bruns, long. Une femme sans coeur, sans peur. Mais une femme imposante par son charisme, imposante par le respect qu'elle assujettissait sans même qu'un seul mot ne sorte d'entre ses lèvres. Peu aimable, mais définitivement rassurante. Était-ce cela aimer ? Respecter une personne à tel point qu'on ne saurait en détacher son regard, qu'on ne saurait ne serait-ce que songer à l'éventualité de ne pas lui être entièrement dévouée ? Non, ce n'était sûrement pas ça, mais sûrement cela s'en rapprochait-il. Viktoria écoutait, silencieuse, impassible. Elle écoutait les ordres, les assimilait, se les répétais à elle-même mentalement comme pour ne pas les oublier. Mais comment les oublier, lorsque depuis tant d'années ils étaient constamment répétés ? Impossible, impensable. Et pourtant, il ne fallait prendre de risques. Hogwarts, là était l'endroit où elle devrait mettre ces ordres en application. Là était l'endroit vers lequel elle se dirigeait, qu'elle allait infiltrer pour le bien de sa propre école. Alors, elle répondait par la positive à chaque question, à chaque mot prononcé et elle était heureuse. Oui, heureuse, car c'était là qu'elle devait être, cela qu'il fallait qu'elle face. Heureuse de servir, que les choses suivent leur court. La tête haute, elle devrait s'imposer par sa présence. Et Viktoria était déterminée à réussir. Et la force mental dont-elle faisait preuve était définitivement le seul bagage dont elle avait besoin.

1618. Elle marchait, sans pouvoir s'arrêter, vers ce saule qui jamais ne lui avait inspiré confiance. Pourquoi le faisait-elle ? Elle y était obligée. Poussée, comme par une force qu'elle ne pouvait contrôler. Ses instincts ne réagissaient plus, ou du moins c'est ce qu'on aurait pu croire, puisqu'en réalité tout allait pour le mieux. Physiquement, elle était en parfaite santé. Mentalement, elle se sentait reposée. Sereine, confiante, déterminée. Alors elle avançait, elle avançait sans s'arrêter, quand bien même cette marche serait la dernière. Quand bien même ces branches n'inspiraient que danger, seraient sûrement la dernière chose que ses pupilles seraient capables de voir. Impossible de décrire l'impression qui se dégageait de cette vision. Contradictoire. Trop contradictoire. Elle savait qu'à chaque pas effectué elle s'approchait davantage du dernier. De l'aboutissement de son existence, de la fin d'une vie que sûrement elle aurait espéré plus longue, de la fin d'une mission, mais elle marchait toujours. Oui, elle marchait, consciente que ces derniers mètres seraient les derniers. Souvent, les gens qui étaient sur le point de passer l'arme à gauche avaient peur, étaient épris de maintes émotions successives, ne savaient comment réagir face à la mort qui leur tendait les bras. Oui, les gens étaient comme ça. Viktoria ne l'était pas. Alors elle marchait. Plus que trois mètres la séparait de sa fin. Deux. Un. Elle voyait à présent un jet d'étincelles venir en sa direction et elle tombait à genoux. Nette. Sans un cri, avec pour dernière vision non pas ces branches qu'elle avait toujours jugées comme étant dangereuse, mais une ombre, l'ombre d'un homme qui était apparu de derrière le tronc. L'ombre, puis le visage. Visage qu'elle ne connaissait que trop bien, puisqu'il était celui de son allié. L'un de ses alliés qui pourtant en ce jour venait de la tuer. Calme, reposée. Oui, elle l'était, alors que son dernier souffle de vie s'évadait d'elle. Et elle se laissait emporter par la mort. Ses paupières se fermaient peu à peu, amoindrissant sa vision, lui laissant pour seule compagnie le néant. Sûrement aurait-elle aimé voir, mais y avait-il seulement quelque chose d'autre à voir que le visage d'un traître ?

2014. En sueur, presque trempée de sueur, elle se relevait à présent. Le souffle coupé, le regard vague. Une nouvelle fois, ses songes avaient eu raison d'elle, à tel point qu'elle mit plusieurs minutes à se rendre compte de l'endroit où elle était. Son lit. Sa chambre, dans le manoir des Crane. Un rêve. Oui, elle venait de rêver et pourtant, tout cela semblait si réel. Tellement réel, que sûrement cela l'était-il. Trop précis pour que Margaery puisse songer un seul instant que ses songes puissent simplement être dues à l'imagination de son inconscient. Trop concret, mais indéniablement trop récurent. Oui, trop récurent. Pourquoi continuait-elle à voir toutes ces choses ? Ces choses que pourtant elle aurait pu décrire parfaitement, seconde après seconde, détails après détails. Chaque parole, chaque vêtement porté, chaque action et même chaque pensée. Elle se rappelait de tout. De tous les rêves qu'elle avait fais, de son passé qu'au début elle ne croyait que fictif, mais dont elle ne peut à présent nier l'existence. Était-elle choquée par ces visions ? Non. D'ailleurs, souvent elle s'était demandée pourquoi la personne qu'elle était aujourd'hui paraissait si semblable à celle qu'elle avait été par le passé, lorsque d'autres étaient au contraire si différent. Lorsque tous, n'avaient rien en commun avec ceux qu'ils avaient été durant la guerre. Avait-elle un si mauvais fond, qu'il n'avait pu s’éclaircir avec le temps ? Non. Du moins elle ne le pensait pas. Elle ne pensait pas que la rancune, ni même l'absence de sentiments puissent être signe de méchanceté. Mais sûrement l'était-ce. Pourtant elle se complaisait dans ce qu'elle était. Son réalisme par rapport à l'humanité lui semblait saint. D'ailleurs, sûrement en était-il de même durant sa vie antérieure et le serait à nouveau si toutefois elle devait revenir. Car s'il y avait bien une chose dont elle était persuadée, c'est que si une troisième existence sur terre s'offrait à elle, elle la passerait à nouveau seule. Seule, comme Viktoria l'était à Poudlard. Seule, comme elle l'avait toujours été au sein de la famille Crane, comme chacun des membres de sa famille se plaisaient à le lui rappeler. Mais elle ne perdrait son ambition, ni même son esprit vengeur. Non, qu'importe le nom ou l'époque, son indépendance et sa force ne la quitterait pas.