« Six mois de bonheur...la chute lente... Et un jour on se retrouve à jouer seul. L'autre retire ses billes, reprend ses cartes, et vous restez là, comme un con, devant une partie inachevée... A attendre. Parce que vous ne pouvez faire que ça, attendre. Cesser d'attendre, ça voudrait dire que c'est fini. »

✤  demain aurait été un autre jour... semblable.
(enfance)
Cher papier,
la femme formidable qu'est ma mère m'a conseillé d'apposer sur le papier jauni mes moindres faits et gestes, pour qu'une fois la fleur de l'âge atteinte, je puisse me rappeler de ce monde, de cet endroit, de l'odeur légère du livre fraîchement manuscrit. Mais commençons par le commencement : Je suis née une nuit chaude d'été, durant l'année mille cinq cents quatre-vingt quinze. Je suis une fille de France, une sorcière de pure souche. Mes ancêtres ont tous ce sang si parfait, magique.J'en suis extrêmement fière, mais je doute que ce soit une réelle qualité, car je n'y suis pour rien. J'étais une enfant assez fascinante, m'a dit mon père. Ma famille possédait depuis des générations des cheveux d'un noir corbeaux, qui donnait un certain charisme aux Desfleurs. A ma naissance, et aujourd'hui encore -à l'heure ou je vous parle-, je possède une chevelure rousse, de feu. Des cheveux indomptables qui m'ont toujours donné un air de lionne, et que ma gouvernante n'a jamais su coiffer. Je suis la cadette des Desfleurs, mais aussi la plus prometteuse aux yeux de ma soeur : mon caractère assez spécial m'assure un avenir bon. J'ai intégré Beauxbâtons il y a seulement un an, et je suis fière de la maison que j'ai rejointe, malgré tous les préjugés. Les Astralūsor sont vraiment adorables, mais je les trouve terriblement naïfs. Cette année, j'ai eu d'excellents résultats scolaires, j'excelle dans les examens oraux, je suis divine dans les examens écrits, tout ce qu'il faut pratiquer n'a plus de secrets pour moi. Dès l'enfance, mes parents m'apprirent les règles fondamentales, telles que le mal, ou le bien. J'ai toujours apprécié ces leçons de vie, leçons qui m'ont sauvés de situations alarmantes. Ne pas mentir, ne pas être grossière, rester indifférente face aux pics incessants d'abrutis, rester droite et vaillante. Si je n'avais pas cette gourmandise excessive, et cette naïveté infantile, je crois que je serais la personnification même de la perfection humaine. Papier, surtout, ne le répète pas à mes parents, ils seraient capable de m'enfermer dans la bibliothèque familiale pour faire un exposé complet sur la modestie. Dès que j'ai reçu mes capacités magiques, ma mère m'a enseigné une chose primordiale : les règles sont faites pour être respectées. Rien ni personne de mon entourage, ou en ma compagnie, n'a dérogé aux règles imposées, et c'est une de mes autres plus grandes fiertés.

✤je ne fais rien comme les autres ou alors je le fais mieux.
(beauxbâtons)
Cher papier,
Je viens de vieillir d'un coup. Tu sais, ce jour ou tout devient plus limpide, plus clair, comme si je m'étais métamorphosée. Le temps me manque pour te parler, alors je vais faire un bref topo sur cette année qui vient de s'achever. Je suis -j'étais-, je ne sais plus vraiment, excessivement bien entourée : les fauteurs de trouble, les vaniteux, les menteurs ont été rapidement éjectés de mon entourage. Ceux qui m'entourent, je les connais,je leur fait pleinement confiance. Ils font partis de moi. Certains messagers du chaos -ceux dont on n'approche pas, notez-le- ont fini par arrêter de tenter l'impossible: ceux qui ne respectent pas, je ne les respecterais jamais vraiment. Je les méprise de tout mon être, et si beaucoup ne le supportent pas, je continue de briller pour ma force de caractère. Mes amis me décrivent comme brillante, posée, réfléchie, dotée d'un sens de l'honneur unique. Il a donc été normal que je reste sur les lieux du crime quand l'attaque commença : mes amis étaient ici, et il était inconcevable que je les abandonne. Baguette en main, j'ai arpenté Beauxbâtons avec un arrière goût désagréable de nostalgie. Mais il n'étaient pas là. Ils n'étaient plus là. Mon palpitant menaçait de quitter ma cage thoracique, mes membres bougeaient mécaniquement et lascivement : je ne contrôlais rien. Il fallait que je les trouve. Or, j'étais trop faible, et je finis par m'effondrer au milieu des débris. A mon réveil, il y a quelques heures, j'étais allongée dans un lit que je ne connaissais ni d'Eve, ni d'Adam, fortement affaiblie, avec un fort mal de tête qui persiste : j'entends des coups de cloche incessant, qui frappent mon crâne une fois, puis les échos prennent le relais. J'ai l'impression d'être la rose qui se fane peu à peu. Mais revenons-en à nos moutons : je me suis réveillée dans un grand château que j'avais aperçu sur un journal sorcier, un journal de France : je suis à Poudlard. Dès mon réveil, on m'administra des potions en tout genre. Puis, un homme vint me rendre visite : Maximilien. Il ne m'a donné que son nom, et n'a pas beaucoup parlé, mais son silence est réconfortant.Je suis sûre que c'est grâce à lui que je suis ici.Il faut que j'aille lui demander. Mais avant ça, nous allons me placer dans une maison pour que, malgré la guerre, je puisse continuer de vivre aussi normalement que possible.

Cher papier,
je t'écris ce message à la suite de l'autre pour t'informer. Me voilà à Poufsouffle. Une semaine que je jongle entre ce qui ressemble vaguement à des études, Maximilien vers qui je suis éternellement reconnaissante, et que je trouve de plus en plus intéressant et ... fascinant, mais aussi les archives ou je passe le plus clair de mon temps. Entourée de vieux parchemins, je me sens enfin à ma juste place. La seule que j'ai trouvé depuis la mort tragique de ma famille. Ils me manquent, papier. Je n'arrive pas à effacer mes souvenirs, et ils me font mal. Ils me transpercent de toutes parts, et les garder, ça fait mal. Ils me brûlent la peau, me lacèrent le cœur. Ils sont morts et tout a perdu un sens logique. Je suis une âme égarée qui court, qui hurle, qui dort sans trop savoir le pourquoi du comment. Je suis la vague qui suit le courant, et je tente d'expliquer ce comportement stupide. J'ai peur, papier, la guerre va faire rage, et j'ai peur. Mais je peux encore compter sur Maximilien, et c'est le plus important.

✤  you're mine, as i'm yours
and if we die, we die,
but first, we'll live.
(mariage)
Cher papier,
l'amour m'a touché. Je croyais cela impossible. Je pensais que cela ne m'arriverait jamais. Et pourtant, me voilà dans ma plus belle robe blanche, prête à dire oui à un homme qui m'a déjà sauvé la vie. Je lui dois un nombre assez conséquent de chose, et ce goût dans ma bouche, qui ressemble au bonheur, est sa plus grande réussite. Je vais enfin laisser ce nom sali par la guerre, ce nom plein de sang pour celui de l'être aimé. C'est un des plus beaux jours de ma vie. Oh mon dieu ... Que c'est cliché ... Heureusement, notre mariage va être simple, à notre image. Je me sens légère, apte à dire oui pour la première fois de ma vie. Je suis étrangement excitée, c'est une impression réellement magique. L'adrénaline qui prend part de mon corps est vraiment invraisemblable. Comment puis-je me sentir si vivante, alors que quelques temps plus tôt, je me sentais si vide ? Mon coeur bat tellement vite, mais d'une façon agréable. Le simple espoir de le voir devant moi, avec ce petit sourire, ce sourire tellement beau, me procure un plaisir infini. Je crois que je me répète. Mais j'ai peur, finalement. Peur parce qu'il pourrait disparaître, et je ne sais pas comment je m'en sortirais. Mais arrêtons d'être pessimiste ... Je vais me marier avec lui !

J'ai dit oui. Un simple mot de trois lettres qui a semblé le ravir, entièrement. Ses yeux se sont mis à briller et seulement pour ça, je lui murmurerais ce mot durant l'éternité. Le monde a semblé s'arrêter quand il a répondu par la positive. Je crois que je n'ai jamais été si épanouie qu'en cet instant crucial. Les gens qui souriaient, qui riaient, qui nous fixaient, avaient tous disparu. La musique s'était éteinte et seul le palpitement de mon coeur, et l'écho répétitif de son oui résonnait autour de moi. C'était magique. L'euphorie, la joie. Je me sens légère comme une plume, papier. C'est effrayant et attrayant à la fois. J'ai froid et j'ai chaud. C'est un des rares instants ou je me sens planer. Tout devient limpide autour de moi. En fait, non, papier. Tout devient noir. Je suis aveugle. Il n'y a plus que lui, lui, et lui. Les réponses viennent remplacer les questions. Le bonheur prend toute la place : il n'y en a plus pour les doutes et les peurs. Mon cœur explose et relâche les milles papillons qu'il abritait. Je néglige les détails, je ne vois plus le mal, il n'y a que le bien. Je suis en apesanteur, j'ai l'impression d'être une sainte. D'avoir rejoint les cieux avec lui. Un simple oui provoque le bonheur à l'état pur, brut, volcanique. C'est mieux que tout.
Maintenant, je dois t'abandonner papier. Il m'attend, et tu penses bien que je ne vais pas le faire patienter plus longtemps !

✤ quelqu'un a dit un jour que la mort n'est pas la pire chose dans la vie : le pire, c'est ce qui meurt en nous quand on vit.
(fin de la guerre)
Cher papier,
je viens de me rendre compte que je n'ai plus que toi à qui parler. Je suis seule, terriblement seule. Tu penses que c'est triste ? Je ne pense pas. Parce que si tu te déchires, si tu brûles, si tu disparais, si tu te froisses, je ne me sentirais jamais mal, car tu n'es rien. Un objet, un morceau d'arbre. Je n'ai aucune attache qui me relie à toi, bien heureusement. Tu n'es même pas vivant. Tu es mort, papier. Tu es mort,  comme moi. Je vais te raconter, papier, en essayant de ne pas te mouiller, ce qui ne se sera pas simple. Et pourtant,je vais essayer, car je n'aime pas voir mes yeux pleuvoir, s'embrumer. Quoi que, ne plus voir, ne plus sentir, c'est disparaître. Je veux disparaître, papier, comme lui.
Une semaine. Tu penses que c'est long ? Moi, je le crois. Une semaine, de façon temporel, ce n'est rien. Quelques heures par-ci, par-là. Et pourtant, effectivement, une semaine, c'est long. Et une semaine sans nouvelle, c'est dix fois plus long. Ne pas savoir s'il existe encore. Une semaine sans le toucher, sans le voir, sans sentir ses doigts sur ma peau, sans entendre le son de sa voix masculine. Sans l'embrasser, le griffer sous la colère, prendre son coeur pour le serrer contre soi. Une semaine, c'est mille fois plus long. En une semaine, on peut naître, on peut mourir. C'est tellement long. On a le temps de faire tout ça, et de ne rien faire. On a le temps de n'être plus rien, et même si on a le temps, on s'en fiche. On aime pas avoir du temps. On n'en veut pas du temps. Je n'en veux pas, papier, du temps. Je le veux lui.

Elle relève les yeux du papier en voyant le meilleur ami de son époux entrer dans la pièce. Il soupire, l'air vide, fatigué. Il vient de rentrer, et il a l'air malheureux. Isadora ferme les yeux quand il se met à parler. Il parle, il parle, mais elle n'écoute pas; elle n'écoute plus. Une seule phrase résonne dans son corps vide. Il. Est. Mort. Elle commence à lui hurler dessus pour qu'il s'en aille. Et il obéit. Il est docile, il quitte la pièce, et ferme la porte. Elle reprend son récit, la main tremblante, mais elle ne pleure pas. Elle le fera bien assez plus tard. Quand elle aura du temps.

Bien heureusement, il est mort, papier. Comme toi, comme moi. C'est drôle de dire ça. Oui, j'en ris. Je m'étouffe sous mon hilarité. J'ai prié pour qu'il revienne. Pour que la guerre se termine. La guerre va se finir, et il n'est pas là pour en profiter. Je continue de rire. Parce que je ne comprends plus rien, parce que je ne veux plus comprendre. Il m'a abandonné, alors qu'il avait promis. Il m'avait dit qu'il reviendrait. Il me l'avait chuchoté contre un dernier baiser, et il ne reviendra pas. L'escroc. Papier, j'ai mal. Je ne ris plus, je pleure. Tu crois qu'il le savait ? Que ma vie s'est mise à tourner autour d'un seul pôle d'attraction, et que ce pôle porte son nom ? Je ne crois pas, papier. Et ça fait encore plus mal. Il m'a dit qu'il m'aimait, avant de partir. Qu'il m'aimait à en mourir. Il est mort, mais pas d'amour. Ce n'est qu'un imbécile. Je le hais pour m'avoir laissé. Je le hais pour m'avoir fait croire qu'on aurait l'éternité. Je le hais pour me laisser l'arrière goût abominable de la perte.

Maintenant, elle pleure, elle pleure et elle crie. Ses cordes vocales vont finir par se briser. Et puis, le silence. Le vide.

Il pleut sur mes joues, il pleut dehors, aussi. Il pleut partout. Dans mon coeur, c'est la tempête, dans mon estomac, c'est le naufrage. Je me noie dans mes propres larmes, et je crois que ça ne m'importe pas. Parce qu'on s'en fiche, finalement. De savoir comment on meurt. J'imagine comment auraient été nos enfants, et je ris encore. Le choc me fait délirer, donc, je me moque. Je me moque de ma pathétique existence qui n'est qu'un cercle vicieux : tout recommence. Quand ma famille est morte, il m'a sauvé. Mais qui va me sauver, maintenant ? Papier, penses-tu qu'il y a quelqu'un qui me sortira de l'eau ? Pourtant, c'est si beaux, ici. Tout est plus simple quand on est vide. Fini de rire, fini de pleurer, je reste interdite. J'écris frénétiquement sur toi, papier, et j'oublie tout. Sommes-nous aujourd'hui, demain, ou hier ? Nous sommes le cinq, je crois -ou peut-être le six-, j'ai oublié. Je ne sais pas. J'ai oublié car il fait toujours noir. La bougie a fini par s'éteindre. Et je ne veux pas la rallumer. Parce que c'est stupide. La lumière ne me sauvera pas des ténèbres. Jamais. Il me manque déjà, papier. Tu crois qu'il pense à moi, là-bas ? Ou qu'il soit, j'espère que je lui manque. Parce que c'est viscéral, chez moi. C'est une blessure directement placée sur mon pauvre coeur fragile. Le silence m'oppresse. Certaines personnes viennent toquer à ma porte, mais je ne leur ouvre pas. Des fois, il y a des murmures derrière cette porte de bois. Ils s'inquiètent, je crois, car je n'avale rien, là, allongée dans mon lit. Je fixe le plafond, j'attends. C'est de sa faute, tout ça. Il ne pouvait pas être comme tous le monde ? Un lâche cupide et vaniteux qui ne pense qu'à lui ? Quelle idée de faire la guerre aussi ? J'ai envie de me frapper. Je parle de lui au passé, et je suis en train de critiquer ses plus belles qualités. Je suis stupide. Pathétique et stupide. Tu penses que je dois m'inquiéter, papier ? Je crois que je viens d'écrire cinq fois pathétique en quelques heures -jours ? semaines ? secondes ? minutes ?-.

J'ai peur, papier. Il n'est plus là, tout a perdu grâce à mes yeux. Je suis seule, je n'entends rien. Je suis anesthésiée de ma propre vie. Ne montre jamais ton chagrin à ceux qui l'ont causé, qu'on m'a dit. Et pourtant, je veux lui montrer, papier. Je veux lui montrer comme il m'a fait mal.

Je le hais, papier. Je te hais aussi, d'ailleurs, parce que tu ne panses pas mes maux.

✤  our love is like the wind. i can't see it, but i feel it.
(mort)
La mort. C'est un acte terrible, un acte courageux, un acte intrépide, un acte téméraire, un acte égoïste, un acte généreux. La mort n'est pas une solution, mais la mort est aussi une solution ultime. Elle a affronté la mort la tête haute. Pour lui. Parce qu'elle est fière jusqu'à la fin. Parce qu'elle aime mépriser les vaniteux, les égoïstes, les fauteurs de trouble tel que cet homme, ce monstre de la nature qui l'a accusé de trahison alors qu'elle tentait vainement de réussir à sauver des vies, comme lui avait enseigné sa mère. Elle est morte, laissant derrière elle un monde construit sur des corps, fait de larmes, de feu, et de sang. Elle part retrouver son mari, elle s'en va et ne laisse rien sur son chemin. Elle n'a même pas mal. La longue agonie qu'on lui fait subir, à la place d'un avada kedavra, ne lui fait même pas mal. La mort est son dernier espoir, et elle l’accueille avec un plaisir certain. Elle devrait souffrir, elle devrait tenter d'hurler à la mort, pour qu'elle la laisse. Mais elle n'en fait rien, elle sourit doucement, d'une façon bienveillante, et ne murmure que quelques mots. Des mots qui font mal aux spectateurs. Parce qu'ils savent qu'elle est innocente. Parce qu'ils savent qu'elle a raison. Parce qu'ils comprennent qu'ils assassinent les plus lucides d'entre eux. Isadora Desfleurs a été une femme fascinante, dotée d'une éloquence toute particulière. Il est donc normal que ses paroles brisent toutes les volontés sur son passage. Son coeur cesse lentement de battre, mais les mots résonnent encore. Ils brillent de plein feu.

✤  elle a su m'affranchir
de tous mes souvenirs
nos deux corps se mêlent
elle cogne dans ma tête.
(poudlard, première année)
Elle va rentrer à Poudlard. C'est l'excitation et l’appréhension qui se mêlent dans son ventre, tandis qu'elle s'avance à travers le château. Les portes de la grande salle se dessinent devant ses yeux grands ouverts. Elle tremble tellement. N'ai pas peur, ça passe vite, qu'ils ont dit. Ses parents avaient-ils vraiment vécu ce moment ? Non, parce que c'est quand même extrêmement long, là, d'attendre que son nom retentisse contre les murs du château. Sage, docile, Isemay attend que son tour arrive. Une jolie blonde, un peu hautaine, menteuse et hypocrite -elle le sait à son air faussement angélique- la bouscule légèrement et avance vers le tabouret. Elle esquisse un sourire fier, et naturellement, elle est envoyée à Serpentard. Un garçon, avec des lunettes et des cheveux bouclés, passe devant elle en tremblant plus que de raisonnable. Il s'assoit sur le tabouret et s'essuie les mains sur sa robe de sorcier. Le choixpeau l'envoie à Poufsouffle. L'instant d'après, son nom retentit. Le calme survient, et elle hésite. Isemay Eachàn. Elle respire lentement, se met à sourire doucement, et s'avance à travers la foule pour atteindre le choixpeau. Chaque seconde qui passe lui redonne de l'assurance. En s'asseyant sur le tabouret, elle a un grand sourire sur les lèvres, qui ne semble pas près de disparaître. Alors, alors... Lavoix du choixpeau retentit, mais elle n'a pas peur. Elle sait qu'elle tombera au bon endroit. Isemay n'a pas peur.  Un rire brise le silence oppressant. Un rire inattendu, celui que personne n'a jamais entendu. Un rire déraillé, gras, mais cela reste un rire. Le choixpeau glousse en fouillant l'esprit de la petite fouine de feu. Tous le monde reste interdit, tandis qu'Isemay se redresse, fière de son petit effet. L'instant, d'après, entre deux gloussements étranges, il hurle : Serdaigle ! Elle se relève sous les applaudissements de sa maison, tandis que les autres restent choqués. Et oui, ou qu'elle aille, Isemay sait faire son petit effet.

✤ la fragilité du cristal ne le rend pas faible, elle le rend délicat.
(ulysse)
Certains sont mécaniquement vivants, leurs doigts bougent, leur coeur palpite, mais ils sont remplis de vide, alors que moi, moi, je sais vivre. Je ris parce que j'aime le faire, je souris parce que je suis heureuse, parce que rien n'a d'importance. Le chaos et le malheur qu'abrite le monde ne m'atteignent pas. Je suis libre de faire ce que je souhaite, et cette perspective m'enchante. Si je veux tester la nouvelle poudre bleue à la mode, je le fais. Si je veux le petit haut rouge avec un canard imprimé au centre, je l'ai. Je ne me refuse rien car la vie est trop courte pour être gâchée. Avoir un mari aimant, des gamins irrespectueux, des couches dans chaque pièce, de faux-amis, des soirées à jouer au scrabble ou lire la gazette du sorcier, ça, jamais. Ma devise ? Éclate-toi tant que tu peux, mais ne te laisse jamais éclater par cette garce de vie. Et je m'épargne. Je m'épargne l'euphorie grotesque du premier rendez-vous, de l'attente infinie d'un coup de téléphone qui ne viendra pas, du premier baiser, de la rencontre avec les parents, écouter quinze fois le même message pour entendre sa voix. Je préfère me rassasier du parfum de la gente masculine. Un autre, chaque fois, aucune attache, aucune promesse. Vivre d'humour, de coup d'un soir, et de musique psychédélique, et croire que ça suffit. Croire qu'on peut survivre avec ça. Et je continue de le croire. Je crois que je n'ai jamais cessé d'avoir espoir. De penser que tout est bon à la consommation, que rien ne se perd, que tous sont promis à un avenir meilleur, que le malheur n'existe pas. Mais il m'en veut, et il n'est plus là. Beaucoup m'en veulent, ce n'est pas le problème. Mais lui, sans savoir pourquoi, ça me fait mal. Plus que je ne l'aurais cru, mon coeur se fissure, se froisse comme un vulgaire morceau de papier. Vous croyez qu'il le sait, l'effet qu'il a sur moi ? Il était mon ami, et il me manque. J'ai besoin de lui. De le voir, parce qu'en six ans, la vie change, les gens aussi, et j'ai peur qu'il ait disparu. Ulysse me manque, mais il m'évite. C'est bête n'est-ce pas ? Je suis pourtant extrêmement bien coiffée, je le jure ! J'ai même un fabuleux tee-shirt moldu, emprunté lors d'un de mes voyages dans l'autre monde. C'est une bouche rouge sang, et la langue qui s'extirpe de ces lèvres. Il est franchement magnifique ! Et il est assorti à mes cheveux. Sérieusement, je ne comprends pas pourquoi il m'évite ... Je suis mal maquillée, peut-être ? J'ai mal vieilli ? Il n'aime pas mon travail ? Il n'a pas apprécié que je fouille dans ses affaires ? Que je questionne tout son entourage ? Bon, d'accord, ce n'était pas la solution, mais il ne peut pas me détester pour trois gallions six sous, quand même ! Merlin, qu'est-ce que j'ai encore fait comme bêtises ?

✤   When is a door not a door ?
(vie active)
Elle a bien grandi, la petite fille. Elle a bien changé, la voyante barge de Poudlard. Au revoir les poupées, bonjour la débauche. On passe de l'adolescente loufoque à la fêtarde folle. La jeune femme intelligente et perspicace, qui travaille, qui fait la fête, qui s'amuse, qui se fiche de tout, mais dont personne ne se fiche. Visage emblématique des soirées arrosées, elle met l'ambiance, et c'est pour cela que l'on aime : avec Isemay dans la pièce, le mot ennui est retiré de notre vocabulaire. Difficile à oublier, cette charismatique rousse aux gestes légers, à l'alcool facile, à l'humour noir, jaune, rouge, rose, en mayonnaise ou en salade. La routine infernale ne la touche pas. Elle, elle invente chaque journée en connaissance de cause, l'inconnu est son meilleur ami, l'habitude, sa pire ennemie. Elle a l'absurde impression que sa liberté est comptée, alors, elle profite trop des bonnes choses. Trop, mais jamais assez,après tout.  Isemay, c'est celle qui agite la banderole, qui hurle dans la rue, qui danse seule au milieu de la piste, qui agite son bassin sous les effets d'un whisky pur feu, qui se déhanche à chaque boum de la stéréo magique. C'est celle qui chante à tue-tête, qui n'est jamais ridicule, et si elle l'est, elle ne l'est jamais à moitié. Chez elle, il ne fait jamais vraiment jour. Elle vit la nuit, parce qu'au creux des bras du crépuscule, elle s'éclate. Et puis, il y a le revers de la médaille. La journée, c'est la journaliste sérieuse, qui fouille, fouine, espionne, écoute, cherche, travailleuse acharnée, journaliste sans-gêne, elle est à l'affût de la moindre information, elle brille par sa qualité première : dénicheuse de potin par excellence. Elle est excellente au travail, folle à la fête, princesse dévergondée, elle règne sur un château de souvenirs heureux. Elle n'a jamais réellement connu le malheur. La mort de sa mère, oui, lui a fait mal. Mais elle ne s'est pas laissée abattre. L'abandon d'Ulysse, mais elle va se charger du cas de l'opportun : on n'ignore pas Isemay sans conséquences.

Nous avons inventé la lumière pour nier l'obscurité. Nous avons mis les étoiles dans le ciel, nous avons planté des réverbères tous les deux mètres dans les rues. Et des lampes dans nos maisons. Éteignez les étoiles et contemplez le ciel. Que voyez-vous ? Rien. Vous êtes en face de l'infini que votre esprit limité ne peut pas concevoir et vous ne voyez plus rien. Et cela vous angoisse. C'est angoissant d'être en face de l'infini. Rassurez-vous; vos yeux s'arrêteront toujours sur les étoiles qui obstruent leur vision et n'iront pas plus loin. Aussi ignorez-vous le vide qu'elles dissimulent. Éteignez la lumière et ouvrez grands les yeux. Vous ne voyez rien. Que l'obscurité, que vous percevez plutôt que vous ne la voyez. L'obscurité n'est pas hors de vous, l'obscurité est en vous. + Hell.