Rohan posa un genou à terre avant d’attraper Milo à la nuque. Passant ses mains dans le pelage de la jeune bête, le brun lui offrit un sourire qui se voulait rassurant. Le jeune Garrigan ne se sentait pas vraiment à sa place devant ce bâtiment, dans cette rue, dans cette ville, dans ce pays. Son retour en Angleterre ne s’était pas passé aussi bien que prévu. Lui qui croyait qu’en rentrant vers ce qu’il pensait être sa maison il se sentirait bien mieux, jusqu’à présent ça ne semblait pas être le cas. Il venait à peine de rentrer que déjà au tréfonds de lui il pouvait sentir ce désir de voyage le prendre à nouveau. Au final, n’était il pas parti pour fuir quelque chose ? Maintenant qu’il était rentré, avait il réellement trouvé les réponses qu’il était parti chercher ? Non, pas du tout. Où en tout cas, lui était venues de nouvelles questions qui le consumaient. Le brun poussa un long soupir las tentant du mieux qu’il pouvait de réfréner ces pensées qui parasitaient son esprit. S’il y pensait maintenant il n’allait jamais passer cette porte. S’il se mettait à y réfléchir, il allait perdre cette vague de courage l’ayant trainée jusqu’ici. Il ne pouvait pas fuir, pas maintenant. Cela faisait bien trop longtemps qu’il fuyait le souvenir de la brune. Trop d’années qu’il n’avait la force de lui envoyer ces lettres qu’il avait rédigées. S’il ne faisait pas ce pas en sa direction il allait la perdre pour de bon. Perdre son image, son souvenir, oublié ses sourires, la douceur de son rire et l’image de son regard incandescent alors qu’ils se perdaient à deux. Il ne voulait pas tout perdre. Il ne voulait pas que ses souvenirs se transforment en regrets. Il refusait de voir son passé devenir une occasion manquée.  C’est la langue râpeuse de Milo qui ramena l’ancien serpentard dans le présent. Grattant le louveteau derrière l’oreille, le sorcier se redressa avant d’ouvrir la porte du vieux bâtiment devant lequel il était resté planté depuis bien trop longtemps. Montant jusqu’à l’étage où elle vivait désormais, Rohan se retrouva devant sa porte un amère gout de regret en bouche. Cela faisait cinq ans qu’il tergiversait sur la marche à suivre. Cinq ans qu’il se demandait s’il avait le droit de faire ainsi irruption dans sa vie à nouveau. Et voila. Voila que cinq années étaient passées et qu’il se retrouvait devant sa porte, incertain comme il l’avait été durant toute sa scolarité en sa compagnie. Dans le fond, Lorcan avait raison, il n’avait été bon qu’à détruire la seule chose de bien que la vie lui avait offerte. Il songea alors à faire marche arrière, rebrousser chemin et oublier cette idée saugrenue. Cependant, Milo n’eu aucun mal à comprendre l’hésitation de son maître et pressa sa tête contre le tibia de ce dernier afin de le pousser vers l’avant. Le brun savait ce que sa bête tentait de lui dire. Même s’il crevait de trouille, il savait que son loup, à sa façon, avait raison. C’est pourquoi il toqua à la porte malgré son cœur sur le point d’imploser. L’irlandais se trouvait idiot. Terriblement con d’avoir fait ça. De toute manière elle ne voudrait pas le revoir, il se souvenait parfaitement bien des mots des Cordélia. Personne n’attend jamais. Les poings crispés, les yeux perdus sur le panneau de bois de la porte, le cœur du brun rata un battement lorsque la porte s’ouvrit. Lorsqu’il posa ses yeux sur la personne venant de lui ouvrir, Rohan n’arriva pas à articuler quoique ce soit. Béat, coincé dans une stupeur lourde qui l’étouffait, il n’arriva qu’à articuler un penaud :  « Euh… » A ses pieds, assis, Milo fixait l’autre être humain faisant face à son meilleur ami. La tête penchée sur le côté, la langue pendant hors de sa gueule, l’animal ne comprenait pas ce qui était en train de se produire.

Les yeux clos, Daegan savourait avec satisfaction la chaleur des rayons du soleil parcourant sa peau nue. Allongée dans son lit, elle ne voulait pas briser ce moment si reposant. Elle n'avait presque pas fermé l'oeil de la nuit et comptait bien profiter de sa matinée. Ne travaillant occasionnellement pas durant cette journée, la brune profitait aussi du fait que Ciaràn soit absent toute la journée pour s'occuper d'elle. Remuant légèrement, un sourire amusé se dessina sur le visage de la jeune femme alors qu'une main enserrait sa taille. Si elle l'aurait voulu, ça aurait été le visage de Rohan qu'elle aurait vu mais cette époque était bel et bien révolue. Elle avait pleuré et prié beaucoup trop après la disparition de Rohan pour continuer à espérer le moindre signe de lui. Elle était passée à autre chose. Ouvrant les yeux sur Priam, elle l'observa en silence avant de refermer les yeux. Ils avaient une sorte de compromis, si bien qu'ils avaient passé toute la soirée ensemble. Comptant bien se réveiller le plus tard possible, les coups frappés à la porte la firent changer d'avis. Soupirant, elle se redressa au même moment où Priam se levait après avoir enfilé un pantalon. Se moquant bien qu'il aille ouvrir la porte, la brune passa la chemise de ce dernier afin d'aller dans la cuisine. Ce n'était sûrement rien d'important. Écoutant tout de même ce qui se passait dans la pièce à côté, elle entendit la porte s'ouvrir et un murmure s'élever. Cette voix bien qu'étouffée lui était trop familière pour qu'elle l'ignore. Fronçant les sourcils, elle chercha des yeux n'importe quel vêtement qui fera l'affaire. Elle se fichait bien de se montrer à moitié dénudée mais pas devant lui. Enfilant le jean qu'elle portait la nuit précédente, elle arriva au même moment où Priam se retournait vers elle. « Je crois que c'est pour toi. Je t'attends dans la chambre. » Souriant alors qu'il vint l'embrasser dans le cou, elle croisa ses bras sur sa poitrine et s'approcha de la porte. Rohan n'était pas dupe et voir un homme ainsi que les vêtements dépareillés qu'elle portait allaient sûrement le faire comprendre qu'elle était passée à autre chose. Respirant profondément avant de lever les yeux vers le jeune homme, elle eut tout de même le souffle coupé en le voyant. Cela faisait tellement longtemps qu'une myriade d'émotions différentes émergèrent en même temps. La colère submergeait néanmoins tout sur son passage. Laissant la porte entrouverte, elle posa une main dessus et fusilla Rohan du regard. Conservant tout de même son calme, on pouvait sentir la tempête qui régnait en Daegan. « Comment oses-tu ? Comment oses-tu te pointer ici après tout ce temps ? » murmura-t-elle tout en ignorant le loup qui se tenait aux côtés du jeune homme. La jeune femme avait appris à maîtriser la peur depuis très longtemps et elle n'avait donc plus froid aux yeux. Dévisageant l'irlandais comme si elle voyait quelqu'un pour la première fois, elle réalisa qu'ils étaient devenus de véritables étrangers. Des années étaient passées depuis qu'il l'avait lâchement abandonnée avant leur remise de diplôme. En agissant ainsi sans laisser de traces, il avait tiré un trait définitif sur leur histoire et la brune en avait fait de même quelques années auparavant. Plus que tout, elle se demandait pourquoi il venait ici maintenant. Il n'y avait plus rien pour lui désormais. « Va t'en. Tu n'es plus rien pour moi et il ne reste rien pour toi non plus. Tu as tout perdu. » Daegan avait conscience de la violence de ses mots mais n'en n'avait pas honte pour autant. Elle avait donné son coeur à Rohan ainsi que sa confiance et elle avait eu tort. Il lui avait prouvé qu'elle s'était trompée en croyant en l'amour et aux couples. Il lui avait en quelque sorte rendu service.

Rohan s’était préparé à tout. Pendant cinq longues années il avait imaginé le pire : Daegan ayant quitté le pays, cette dernière refusant même de lui ouvrir la porte, la jeune femme mariée. Malgré la douleur que de penser à ça lui procurait, le brun n’était pas prêt à affronter la réalité. Il n’avait jamais été prêt à affronter la réalité. Surtout quand cette dernière se présente sous la forme d’un jeune homme séduisant torse nu à moitié débraillé d’une nuit très certainement longue. C’est misérablement que l’irlandais arriva à faire sortir un son de sa gorge. Comprenant ce qui se produisait plus vite que son maître, Milo montra ses canines tout en grognant en direction de l’intrus qui n’avait rien à faire dans cette histoire. Posant un genou à terre, Rohan tacha de calmer la bête en lui caressant le crâne. Néanmoins, comme souvent le louveteau n’en faisait qu’à sa tête. « Calmos mon vieux, c’est bon tout va bien… Je suis venu pour voir Daegan. » Dit le brun tout en continuant à s’occuper de son animal de compagnie. L’étranger se contenta d’hocher la tête et de rentrer dans l’appartement tranquillement tout en s‘adressant à Daegan. Forcé d’observer la scène, incapable de détourner les yeux comme un chauffard sur le point de percuter un mur, le Garrigan n’était pas prêt. Définitivement pas prêt. Lorsque l’inconnu posa ses lèvres dans le cou de la belle, sa belle, le brun eu l’impression qu’on venait d’expulser l’air qui se trouvait dans ses poumons. A bout de souffle, les mains crispées dans le pelage de Milo, il avait envie de hurler, de s’en aller, de tout casser et faire comprendre à la belle ce qu’il ressentait pourquoi ça le tuait de voir ça. Néanmoins, la seule chose qu’il fit fut de se redresser en gardant ses yeux sur la brune qui s’approchait de la porte. Ils étaient dans deux endroits différents, à croire qu’ils faisaient partie de deux mondes divergents. Lui était à l’extérieur de l’appartement, seul, alourdit par les regrets, tous ses regrets. Elle, elle était à l’intérieur de l’appartement, avec la vie qu’ils auraient pu avoir, un futur qu’il avait vendu contre quelques fioles d’espoir. Lorsque Daegan atteint la porte, le regard furibond de cette dernière lui donna un coup encore plus violent que celui qu’il venait de recevoir. Debout bien que blessé dans les tréfonds de son être, il resta prostré dans son silence. Il avait trop mal, trop de choses à dire, à expliquer, à lui raconter. Ouvrant la bouche, espérant que les mots finiraient par s’échapper d’eux même de sa gorge, il fut pris de court par le ton sans appel de la brune. « Comment oses-tu ? Comment oses-tu te pointer ici après tout ce temps ? » Son calme à toutes épreuves était en train de tuer Rohan. Elle avait sans doute raison, tout comme il ne devait pas lui envoyer de lettre, peut-être n’aurait il pas du venir aujourd’hui. Le temps n’avait pas encore complètement refermé les blessures, il pouvait le sentir au lancement qui déchirait l’intérieur de son torse. Baissant les yeux comme un enfant qu’on venait de gronder, le brun joua avec la lanière de son sac à bandoulière avant de passer une main dans ses cheveux étrangement long. Il n’avait pas pris la peine de se changer, ni même d’essayer d’avoir l’air d’autre chose qu’un ermitte ayant traversé la planète. Son t-shirt estampé à l’effigie des The Clash faisait terriblement moldu, sans parler de sa barbe plus que naissante, sa peau tané par le soleil et sa chevelure mi-longue à laquelle il n’avait plus porté la moindre attention depuis longtemps. Sauf qu’à cet instant, il y pensait. Il pensait à ce qu’il ressemblait, son jean usé, son t-shirt légèrement déformé, sa barbe mal rasé et sa coiffure débraillée. Il y pensait parce que les yeux de Daegan le scrutaient, le déshabillait du regard, épluchaient les couches du jeune homme même si elle désirait le mettre à la porte. Prenant une longue inspiration, il releva les yeux pour les planter dans ceux de la belle. « Je te dois des explications et toi… toi tu ne me dois rien, mais je te demande de m’écouter, ne serait-ce qu’un instant. » C’est long cinq ans, presque une éternité. On pouvait sentir qu’ils avaient grandi. Laissant derrière eux les personnes qu’ils avaient été. Rohan s’était assagi, Daegan avait muri. Elle n’avait plus l’air d’une adolescente, elle semblait juste être une jeune adulte déterminée et intransigeante. La Greengrass était encore plus belle que dans les souvenirs du brun qui la dévorait du regard bien malgré lui. Son image représentait tout ce qu’il avait laissé derrière lui, tout ce qu’il avait perdu en partant. Il souffrait d’affronter ses regrets, mais ne pouvait pas fuir éternellement. « Va t'en. Tu n'es plus rien pour moi et il ne reste rien pour toi non plus. Tu as tout perdu. » « Daegan… » Souffla le brun comme une supplique. Ebranlé par les mots de la belle, il avait envie de disparaître, s’évaporer pour oublier cette douleur lui vrillant les entrailles. Ca faisait tellement mal, à croire qu’un dragon était en train de détruire ses entrailles. Il savait qu’elle allait réagir ainsi, pourtant la douleur était aussi vive que s’il n’avait pas été préparé. A ses pieds, Milo qui était resté immobile jusque là sembla s’animer. La langue pendant hors de sa gueule, il s’approcha de Daegan frottant le haut de son crane contre le jean de la belle. Ca faisait longtemps qu’il voulait la rencontrer, il avait entendu ce nom des centaines de fois et savait ce qu’elle représentait pour son maître, lui aussi voulait se rapprocher de cette humaine. « Je sais que tu dois probablement me haïr et je le conçois. Mais je suis pas parti à cause de toi. Tu peux me lancer des injures au visage, me casser la gueule si ça te fais du bien. Tu peux me jeter de chez toi après t’être assurer que plus aucun os de mon corps soit intact. Si ça te fait du bien, vas y. » Faisant un pas en la direction de la jeune femme, son pied à moitié à l’intérieur de l’appartement, à moitié à l’extérieur. Rohan ne prêtait aucune attention à Milo qui semblait jouer de ses atouts charmes afin d’obtenir l’attention de la brune et se faire apprécier d’elle. Tendant une main vers la joue de Daegan il se rétracta, conscient qu’elle ne se laisserait certainement pas faire. « Tu avais confiance en moi et je suis parti comme un voleur. Je peux pas le nier, mais si je t’avais dit quoique ce soit et que tu m’avais demandé de rester, j’aurais pas su dire non. » Le brun jeta un regard par-dessus l’épaule de Daegan pour s’assurer que l’autre inconnu n’épiait pas leur conversation. Une fois qu’il fut sur que ce dernier n’était pas dans la pièce, Rohan se lança à corps perdu et enlaça la brune qui semblait rejeter en bloc cette étreinte. Entre eux, Milo essayait de se faire une place, croyant à une réunion familiale, comme si papa et maman venait de se réconcilier. Ca n’était pas le cas, c’était bien loin d’être le cas.

Daegan n'était pas prête à revoir Rohan. Au fond, elle ne le sera jamais. En l'abandonnant la veille de leur départ de Poudlard, il l'avait trahi et blessé profondément. Elle avait mit du temps avant de faire confiance au jeune homme et de lui ouvrir son coeur. Ils avaient passé des bons comme des mauvais moments mais jamais elle n'aurait pu imaginer qu'il la laisse ainsi sans aucune explication. La jeune femme s'était posée des tas de questions restées sans réponses. Elle s'était demandée un nombre incalculable si elle avait fait quelque chose de mal avant de réaliser que le seul coupable dans cette histoire était l'irlandais. Il avait fuit comme un lâche. Cordélia avait eu raison depuis le début. Il ne valait pas la peine qu'elle s'intéresse à lui et encore moins qu'elle s'y attache. Au fond, elle en était ressortie plus abîmée que jamais. Elle pouvait au moins lui accorder le fait qu'elle ne faisait désormais plus du tout confiance à personne et encore moins aux hommes. Il avait montré son vrai visage en la quittant comme un malpropre. La haine et la rancoeur n'avaient fait que s'accentuer au fil des années. Elle se sentait libérée de cette histoire et le voir sur le pas de sa porte la rendait furieuse. Elle ne voulait plus avoir affaire à lui et il n'avait aucun droit sur elle comme il aimait à le penser. Durant les derniers moments qu'ils avaient passé ensemble, il était devenu jaloux et possessif au point où Daegan commençait à en souffrir. Qu'il parte avait au moins suffit à arranger cela. La jeune femme n'aimait pas qu'il soit là, à scruter chaque détail de son appartement, de son apparence et à foudroyer du regard Priam qui venait de partir. La bile lui montait même à la bouche. Tout ce qu'elle voulait en ce moment, c'était qu'il quitte immédiatement l'immeuble et la ville. S'apprêtant à lui fermer la porte au nez, elle se retint en entendant la voix de Rohan l'implorer. « Je te dois des explications et toi… toi tu ne me dois rien, mais je te demande de m’écouter, ne serait-ce qu’un instant. » Fronçant les sourcils, la jeune femme faillit lui mettre son poing dans la figure tant il l'agaçait à ce moment précis. Détestant le regard qu'il lui lançait, elle évitait à tous prix de le regarder. Ignorant les supplications de l'irlandais après qu'elle lui ait demandé de partir, elle voulait absolument mettre le maximum de distance entre eux. Elle ne plaisantait pas en disant qu'il avait absolument tout perdu. Daegan ne voulait pas qu'il fasse partie de sa vie. Elle allait être une nouvelle fois déçue et ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Même une simple amitié lui semblait improbable. Il l'avait fait trop souffert pour qu'elle puisse fermer les yeux. Il en était hors de question. « Je sais que tu dois probablement me haïr et je le conçois. Mais je suis pas parti à cause de toi. Tu peux me lancer des injures au visage, me casser la gueule si ça te fais du bien. Tu peux me jeter de chez toi après t’être assurer que plus aucun os de mon corps soit intact. Si ça te fait du bien, vas y. » Et c'est absolument ce qu'elle allait faire si il ne déguerpissait pas. C'était du moins la première pensée qui vint à la sorcière avant qu'elle ne change d'avis. Daegan ne le toucherait pas. Il la dégoûtait trop pour cela. Même le fait de le voir souffrir physiquement ne suffirait pas à ce qu'il se fasse pardonner. C'était totalement inutile de venir ici puisqu'il n'obtiendrait rien d'elle. Par dessus tout, ce que venait de dire Rohan suffit à la mettre hors d'elle. « A cause de moi ? Tu veux rire j'espère ! Tu n'es qu'un salopard lâche et égoïste. » hurla-t-elle. Daegan était absolument abasourdie qu'il rejette la faute de son départ sur elle. Elle n'avait rien fait de mal. C'était lui qui se comportait étrangement, qui était jaloux comme pas possible et qui était parti sans un mot. Pas elle. Reculant instinctivement en le voyant faire un pas vers elle, la jeune femme était tout à fait prête à user de la force si il continuait à approcher. Il était pourtant clair qu'elle ne voulait pas de lui ici et pourtant il continuait à s'obstiner. Se figeant totalement en le voyant approcher une main vers sa joue, elle allait le repousser quand elle le vit se rétracter avec soulagement. « Tu avais confiance en moi et je suis parti comme un voleur. Je peux pas le nier, mais si je t’avais dit quoique ce soit et que tu m’avais demandé de rester, j’aurais pas su dire non. » Daegan ne pu trouver quelque chose à répondre à cela. Il avait raison. Si il était venu la voir pour lui en parler, elle l'aurait sûrement retenu à Poudlard. Mais cela ne changeait absolument rien. Il était parti et tout ce qu'il pourra dire n'excusera pas cet acte. Les yeux fixés au sol, elle les leva au même moment où l'irlandais regardait vers sa chambre et donc Priam. Sentant une nouvelle vague de colère l'envahir, elle n'arriva pas à y croire quand il se jeta littéralement sur elle. Refusant tout contact avec lui, elle le repoussa immédiatement en maugréant. Frappant le visage de Garrigan de son poing droit, elle le poussa hors de son appartement. « Je ne le répéterai pas ! Dégage ! » cria-t-elle, absolument déchaînée. Attrapant la poignée de la porte, elle la ferma de façon à ce qu'il n'y ait plus que son visage dans l'angle. Observant le jeune homme d'un air méfiant et révulsé, elle ne trouva même pas les mots pour exprimer ce qu'elle ressentait. Elle lui dit juste les mots qui lui passèrent par l'esprit. « Je ne veux plus te voir. Plus jamais. » murmura-t-elle d'un ton sans appel.

Partir n’avait pas été le plus compliqué. Au départ c’était douloureux, au départ il avait eu honte, peur de se tromper. Cependant, avec le temps ses doutes s’étaient envolés, ne lui restait plus que le regret de ne pas pouvoir vivre cet incroyable voyage avec Daegan. Sauf qu’il était trop tard, Rohan était trop loin. Evitant de sortir la tête de l’eau, continuant à garder son nez en l’air, la tête dans les étoiles, le brun avait foncé tout droit. Toujours plus vite, toujours plus loin. Il n’avait rien prévu, vivant sa vie au lieu de la planifier. Il lui arrivait souvent de sentir une pointe lui vriller les côtes alors que dans la foule une tignasse brune lui rappelait que peu importait le temps qui passait, les fantômes eux ne disparaissaient pas. Puis il était revenu. Contre ses propres attentes il avait finalement décidé de rentrer. Ce fut le plus dur, prendre cette décision. Ce fut le plus dur, rentrer à la maison. Parce qu’il n’avait plus de chez lui, personne pour l’attendre et rien que des inconnus auxquels s’accrocher. Et dans tout ça, dans toute cette histoire c’est ce qui fait le plus mal.  Après cinq longues années d’errances voila qu’il retournait vers ce qu’il pensait être son chez lui. Voila qu’il rentrait et ne trouvait rien qui puisse s’apparenter à un foyer. Le regard distant et froid de Daegan n’avait rien d’un foyer. Il s’agissait juste du regard haineux d’une personne qu’il avait perdu. D’une personne qu’il devra à jamais regretter. « A cause de moi ? Tu veux rire j'espère ! Tu n'es qu'un salopard lâche et égoïste. » Le cris de Daegan venait du cœur, Rohan ne pouvait le nier. Il sentait la rage, il sentait la colère et la rancœur que la brune éprouvait à son égard et ne pouvait rien faire que de s’écraser face à ça. Il savait ce qu’il avait fait, il savait que c’était de sa faute et il ne pouvait plus rien y faire. Ca ne changeait rien au fait que les mots de l’ancienne serpentard étaient coupants comme des lames de rasoirs. Le brun essayait de se débattre contre quelque chose de plus grand que lui. Le fossé qui se trouvait entre eux n’avait jamais été aussi important. Alors même qu’ils se haïssaient plus que tout, la distance qui les séparait n’était pas aussi grande. Ca faisait mal à Rohan de se rendre compte de ce qu’il avait fait. Plus que de briser la plus belle chose qu’il avait jamais eue, il avait au passage lourdement blessé la brune et ça, elle ne pourrait jamais lui pardonner. Cherchant la marche à suivre, à croire qu’il essayait d’amadouer un animal qui venait de se faire percuter par une voiture, l’irlandais était précautionneux, hésitant même. Il allait lui caresser la joue avant de se rétracter, conscient que s’il ne le faisait pas il s’exposait dangereusement à de lourdes conséquences. Tentant un autre angle d’attaques, le sorcier tenta de faire comprendre à la jeune femme son point de vue. Il espérait sincèrement pouvoir lui faire comprendre ce qu’il avait vécu. Rohan était conscient que ça ne se ferait pas en un jour, ni en une semaine, que même en plusieurs années il ne pourrait essuyer le mal qu’il avait fait. Toutefois, il espérait, surement trop optimiste, que le temps lui permettrait d’effacer les blessures, recoudre leur déchirure. L’espace d’une seconde il cru que ses mots eurent l’impact escompté. Juste une seconde le regard de la brune sembla témoigner autre chose que de l’amertume, une seconde et déjà cette impression c’était envolé. Tendant les bras, espérant pouvoir lui donner une étreinte, ne serait-ce que se rappeler ce que ça faisait, Rohan tomba des nus face à la réaction de son ex. Pris au dépourvu, il ne pu esquiver le poing de la belle qui s’écrasa sur son arcade sourcilière, l’entaillant au passage. Estomaqué par ce rejet qui témoignait du ressenti profond de la brune, le jeune homme se laissa pousser en dehors de l’appartement, suivi par Milo sur ses talons. Hagard, une douleur sourde irradiant son visage, il eu l’impression de vivre la scène à travers un voile flou. Fixant Daegan sans plus la voir, il entendait très clairement ce qu’elle disait, mais c’était comme si les mots ne lui étaient pas adressés. « Je ne le répéterai pas ! Dégage ! » Immobile et démuni, Rohan n’essaya pas de répondre quoique ce soit à ce que venait de dire la jeune femme. La fixant alors qu’elle était en train de refermer la porte pour ne plus laisser voir que son visage, le sorcier donnait l’impression de faire face à un fantôme. Il avait mal et la personne qui aurait pu l’aider était en train de le repousser. Il souffrait et il était le seul à blâmer. Le seul qui avait causé tout ça et le seul à mériter d’en souffrir. « Je ne veux plus te voir. Plus jamais. » N’essayant même pas de réfléchir à une quelconque réponse à offrir à la brune, il la laissa refermer la porte sans même chercher à défendre son cas. Une fois à l’abri du regard haineux de son ex, Rohan se laissa glisser le long du mur du couloir avant de se retrouver recroquevillé sur lui-même. Retirant son sac en bandoulière, il cala sa tête entre ses genoux cherchant à lutter contre cette impression étouffante que quelqu’un était en train de nouer un nœud autour de sa gorge, le resserrant progressivement. Il étouffait, à croire qu’on maintenant sa tête sous l’eau. Prostré dans son silence, la tête perdue sous l’eau, buvant la tasse d’une mer trouble, l’irlandais ne savait pas quoi faire. Il aurait certainement mieux fait de s’en aller, mais il n’avait aucune assurance que ses jambes allaient bien pouvoir le porter. Puis s’en aller vers où ? La seule personne dont les bras s’étaient un tant soit peu apparenté à un foyer venait de le jeter à la rue sans rien que sa chair à écorcher.  Immobile, en train de se noyer dans le couloir de cet immeuble, le brun était totalement exposé. On aurait pu lui voler ses affaires, le battre à mort qu’il ne se serait rendu compte de rien. C’est alors qu’il sentit Milo se coller à lui. Le loup posa une de ses pattes sur sa tête avant de presser son museau contre la jambe du brun pour le faire bouger. Grommelant, Rohan ne voulait qu’une chose, qu’on le laisse seul. L’animal n’en avait cependant pas fini, pressant un peu plus son maître pour qu’il le regard dans les yeux. Relevant sa tête, des embruns aux paupières, le cœur lourd et du sang s’échappant de son arcade sourcilière où un hématome commençait à gonfler, l’ancien héritier des Garrigan faisait peine à voir. Le brun n’avait plus rien de sa verve, avait perdu toute sa superbe. Seul, abandonné par ceux qu’il avait abandonnés, le jeune homme ne se serait jamais douté que revenir aurait pu être une si mauvaise idée. Fier d’avoir obtenu son attention, Milo utilisa son museau pour montrer son sac à Rohan. Lorsque le brun eu comprit, l’animal lui lécha le bout des doigts essayant de lui montrer qu’il était là et qu’il resterait à jamais avec lui. Caressant la bête, le jeune Garrigan perdit ses doigts dans la fourrure douce et chaude de l’animal avant de le serrer contre lui de toutes ses forces un instant. Il attrapa ensuite son sac dont il sorti un carnet et de quoi écrire ainsi que deux fines plaques en verres superposées entre lesquelles se trouvaient une fleur en étoile d’un rouge intense, une fleur de Bombax ceiba. Le brun se souvenait très bien l’avoir trouvé lors de son voyage, cette fleur devenue rare car en voie de disparition. Il se souvenait des troubles dans lesquels il s’était mis pour la cueillir et des sorts qu’il avait prononcé que pour que peu importe les années qui passent elle ne fane jamais et garde toujours de sa vivacité prisonnière entre les deux lamelles de verre. Observant un instant la fleur, l’irlandais se mit à griffonner sur le papier quelques mots :

Citation :

Je ne te demande pas de me pardonner, je ne le mérite pas. Je n’aurais pas du venir te voir, comme il y a cinq ans je ne pouvais pas te demander de m’attendre ou de venir avec moi. On m’avait prévenu que je ne pouvais pas le faire, que ça ne me servait à rien de te laisser une lettre le jour de mon départ, comme ça ne servait à rien de t’en écrire par la suite. J’ai fais beaucoup d’erreurs. Je suis désolé, pour tout.

Fébrilement, il déchira la page de son carnet avant de la poser sur le sol. La faisant glisser sous la porte, il pressa plus difficilement la fleur à la suite. Se remettant sur ses pieds, Rohan récupéra son sac où il fourra son carnet entre une lettre jaunie par le temps et les clés de l’appartement qu’il partageait avec Cercei et Echo. Il n’avait rien pour le retenir à Londres si ce n’était un travail. Sa vie semblait aussi désespérément vide que ce sac alourdit par les regrets et un présent qui sonnait faux.

Cela allait beaucoup trop loin. En revenant ici, Rohan avait été parfaitement stupide. Que croyait-il trouver ? Pensait-il vraiment qu'elle l'aurait attendu pendant cinq longues années ? Était-il si naïf ? Daegan n'arrivait pas à croire qu'il avait pu venir ici en pensant une telle chose. La jeune femme avait avancé difficilement et n'avait eu personne dans sa vie depuis Poudlard. Les quelques rares hommes qu'elle voyait n'entretenaient avec elle qu'une simple relation superficielle basée sur le plaisir. Elle refusait obstinément d'aller plus loin et d'envisager un futur. Elle avait fait cette erreur une seule fois et elle s'était retrouvée seule et brisée. La brune s'était fait la promesse de ne plus jamais faire confiance à un homme. Plus jamais. Plus le temps passait et plus le souvenir de son histoire d'amour passée s’effaçait progressivement, ne laissant que des regrets et un goût amer. Jamais elle n'aurait pensé le revoir un jour. Elle avait fait son deuil et le voir surgir tel un fantôme n'apportait rien de bon à Daegan. Les yeux fixés au sol, elle le vit à peine quitter l'appartement. Fermant la porte d'un geste rapide et sourd, elle poussa un soupire de soulagement. En revenant ici, il avait apporté avec lui tous les mauvais souvenirs et les émotions conséquentes à son départ. Tout ce qu'elle avait cru laissé derrière elle. Daegan était surtout déçue de réaliser à quel point il arrivait toujours à avoir un impact sur elle et sur sa vie. Cela la mettait hors d'elle. Rohan Garrigan n'avait absolument plus aucun droit. Il ne faisait plus partie de sa vie. Immobile face à la porte, elle ignora le ricanement de Priam qui devait avoir compris ce qui se passait à cause des hurlements qu'il devait avoir entendu. Stoïque, elle refusait de bouger, encore trop choquée par ce qui venait de se produire. Cela ressemblait à un cauchemar sauf que tout cela était bien réel. Il était inutile de se pincer. Sa main douloureuse à cause du coup de poing qu'elle avait donné au jeune femme le lui rappelait. Se demandant bien si Garrigan était parti, elle posa une main hésitante sur la poignée. Dans tous les cas, comment allait-elle réagir si elle le découvrait à sa porte ou bien absent ? Respirant un bon coup, elle actionna le mécanisme et le découvrit à moitié allongé au sol alors qu'il glissait un parchemin froissé en direction de la porte. Le ramassant afin de le lire rapidement, cela ne manqua pas de la faire rire. Posant ses yeux sur Rohan qui était sur le départ, la brune chercha les mots corrects pour exprimer ce qu'elle pensait et ressentait. Il y a avait encore trop de rage en elle pour qu'elle ait une discussion normale avec Garrigan. Tout d'abord un simple murmure, sa voix se fit tranchante. « Pourquoi ? » Sa question était simple mais elle habitait Daegan depuis qu'il l'avait lâchement abandonné. Maintenant qu'elle lui avait posé la question, la jeune femme ne savait même pas si elle voulait entendre la réponse. Serrant les mains autour du papier qu'il avait laissé, elle transforma vite l'ensemble en boule de papier qu'elle laissa tomber au sol. Ne quittant pas le palier, elle se tenait droite et arborait un air fier. Son comportement brutal et impulsif ne l'honorait pas. Elle savait se contrôler d'habitude et ne laisserait pas l'irlandais venir une nouvelle fois gâcher quelque chose la concernant. « Pourquoi es-tu parti ? » Ce n'était pas rose entre eux avant son départ. Il se montrait jaloux et surprotecteur mais jamais elle n'aurait pu imaginer qu'il partirait alors qu'ils pensaient déjà à ce qu'ils allaient faire ensemble en sortant de l'école de magie. Daegan entrevoyait même un futur avec lui, au grand dam de Cordélia. Silencieuse, elle luttait contre elle-même. Une partie ne voulait pas connaître la vérité et l'autre refusait d'en entendre davantage venant de Rohan. Plus les minutes passaient plus elle se sentait stupide d'avoir ouvert la porte et poser ces questions au sorcier. Elle ne voulait plus le voir et satisfaire sa curiosité maladive n'avait rien de bon à cet instant. Secouant la tête tout en clignant des yeux, Daegan recula en direction de son appartement. « Laisse tomber. » murmura-t-elle tout en faisant machine arrière. Furieuse d'avoir retenu Garrigan, elle ne voulait absolument pas le laisser penser qu'il avait encore une chance avec elle.

Le brun lachait prise. Il avait compris. Plein de cette résignation qui lui enserrait la gorge, le jeune homme s’apprêtait à quitter le bâtiment, laisser derrière lui l’appartement de Daegan en abandonnant un fragment de sa vie, une partie de sa personne. Même s’il détestait avoir à l’admettre, Cordélia avait raison, cette fois encore. Il n’aurait jamais du revenir, jamais du chercher à la revoir. Raviver les vieux souvenirs ne faisait de bien à personne, surement pas à Daegan, encore moins à lui. Entendre la porte s’ouvrir alors qu’il glissait ses quelques mots sur le pas de celle-ci troubla Rohan. Il se sentait à nu, idiot aussi. Le rire de la brune ne l’aida pas à faire disparaître le malaise qui troublait sa vision. Les yeux baissés, conscient qu’il n’avait plus rien à faire là, qu’il n’avait plus rien à faire dans la vie de la Greengrass, il devait demi-tour. C’était désormais à son tour de porter ce fardeau. Garder cet amour orphelin, cet amour avorté dont ne restait que l’ombre informe coincé quelque part entre sa gorge et son cœur. Agrippant la lanière de son sac, faisant timidement signe à Milo qu’il était temps de partir, le brun était en train de se retourner lorsqu’il sentit l’interrogation de la brune se planter dans son épaule. « Pourquoi ? » Il ne s’agissait que d’un mot, pourtant à cet instant il aurait tout aussi bien pu être un sortilège mortel. La douleur était la même, Rohan le savait, il se souvenait de la mort de Heath et de ce vide en lui. Un vide sans fond, un vide qui aspire tout le reste en dedans. Les yeux fermement rivé sur le sol, le brun ne pu s’empêcher de les poser sur les mains de la belle en train de chiffonner son mot. Si elle savait qu’elle était en train de faire pareil avec ses sentiments, peut-être aurait elle été encore plus violente ? « Pourquoi es-tu parti ? » Chaque être humain possède une phrase, un enchainement de mot capable de le détruire. Rohan faisait face à son némésis, quelques mots alignés dans le bon ordre possédant le pouvoir de lui renvoyer tous ses regrets au visage. Pendant cinq ans il y avait songé. Analysant les raisons de son départ, ce qui l’avait fait hésité, ce qui l’avait poussé à partir et il connaissait la réponse, il l’avait sur le bout de la langue. L’ancien serpentard l’avait expliqué encore et encore à des dizaines de personnes, se justifiant, s’expliquant, s’interrogeant. Alors, oui il savait ce qui l’avait poussé à s’en aller, mais faire face à Daegan et devoir lui offrir des regrets vides de sens à ce jour lui semblait injuste. Il n’aurait pas du revenir, il n’aurait pas du réapparaitre dans sa vie, c’était égoïste de sa part. Il le savait bien. Et il était assez égoïste que pour se faire souffrir et rouvrir les blessures de la sorcière au passage rien que pour un instant, un bref aperçu de son visage, une piqûre de rappel quant à ce que leur vie à deux aurait pu être. Ouvrant la bouche, Rohan se retrouva bien incapable d’aligner quelques mots. Il sentait les mots bouillonner au fond de sa gorge, mais ne pas arriver à passer la barrière de ses lèvres. L’air idiot, il scella à nouveau ses lèvres, sa main se crispant sur la lanière de son sac alors que la frustration remplaçait presque la douleur. « Laisse tomber. » Voyant la brune faire un pas en arrière, l’irlandais ne pu s’empêcher de perdre son regard dans celui de la jeune femme en faisant un mouvement en avant. « Je suis pas comme toi. » Arriva t’il à dire dans la panique. Grimaçant légèrement, il prit une longue inspiration avant de rajouter cahotant un peu : « Je suis pas fort, je sais pas ce que je veux… Enfin, je savais pas ce que je voulais. Je savais pas qui j’étais et mes parents me poussaient dans une direction, je savais pas où aller. T’avais tes rêves et j’aurais aimé en avoir aussi, mais je savais pas. J’avais pas. » S’interrompant un instant, il avait conscience que ce qu’il disait était confus. Lui-même ne savait pas où il voulait en venir. Il avait pourtant besoin de le dire. Elle avait besoin de l’entendre. Alors peut-être que les quelques mots du brun allaient avoir un effet cathartique. Peut-être était il venu là pour ça dans le fond. Trouver les mots qu’il manquait à Daegan pour passer autre chose. Peut-être savait il que c’était couru d’avance et qu’il ne pouvait plus qu’offrir un peu de paix à la belle. « C’était moi que je fuyais, ça a jamais été toi. J’aurais pu te demander de venir avec moi, mais je pouvais pas te forcer à faire ce choix. J’étais faible, mais je pouvais pas à jamais me reposer sur toi. Je me plains pas et je ne cherche même pas à recevoir un semblant de pitié. Ce sont juste les faits. Je pouvais pas. Et je serais surement jamais comme toi, mais ce sont mes erreurs, je veux pas que tu vives avec ça. » C’était son fardeau. Une douleur qu’il devait garder en souvenir. Une douleur dont il ne pouvait se défaire sans que le vide ne l’assaille à nouveau.

C'était plus fort qu'elle. Il avait fallut qu'elle lui demande les raisons de son départ et elle le regrettait amèrement désormais. Le silence était toujours mieux que la vérité. Daegan ne savait même pas si elle accepterait d'entendre cela ou du moins si elle était prête tout court. Elle avait passé beaucoup de temps à essayer de comprendre les motivations de Rohan. Elle s'était persuadée un long moment qu'il reviendrait prochainement et qu'il ne l'avait pas abandonné. Parfois, elle se réveillait en imaginant voir le visage de Rohan près du sien, sentir son odeur et le goût de ses lèvres contre les siennes. Cela avait été particulièrement brutal quand elle avait réalisé qu'il était bel et bien parti comme un voleur et qu'elle ne le reverrait probablement plus jamais. Tous les espoirs qu'elle avait encore avaient été anéantis et son coeur brisé une nouvelle fois. C'est à partir de cet instant où la peine avant commencé à se transformer en amertume puis en haine. Voir Rohan débarquer ainsi comme si rien ne s'était passé était une véritable insulte. A croire qu'il n'était jamais parti et que rien de tout cela ne s'était jamais passé. Alors oui, Daegan était furieuse mais c'était parce qu'elle souffrait. Or si il la faisait encore souffrir, c'était sans doute parce qu'elle avait encore quelques sentiments pour le jeune homme et cela la mettait hors d'elle. Il était absolument hors de question qu'elle retombe dans ses bras et de plus, elle ne lui faisait plus confiance. Il avait su la convaincre une fois et elle ne ferait pas la même erreur. Déjà prête à retourner dans son appartement et à fermer la porte, les mots de Rohan la paralysèrent. « Je suis pas comme toi. » Posant ses yeux sur le jeune homme vraiment pour la première fois depuis qu'il était venu frapper à sa porte, Daegan resta bouche bée. Que voulait-il dire ? Si il l'insultait de nouveau, il allait sûrement se prendre à nouveau son poing dans la figure. Lui laissant tout de même le temps de s'expliquer, une lueur dangereuse anima les yeux bruns de la jeune femme. « Je suis pas fort, je sais pas ce que je veux… Enfin, je savais pas ce que je voulais. Je savais pas qui j’étais et mes parents me poussaient dans une direction, je savais pas où aller. T’avais tes rêves et j’aurais aimé en avoir aussi, mais je savais pas. J’avais pas. » Pour la première fois depuis très longtemps et surtout depuis que Rohan avait osé mettre les pieds devant sa porte, Daegan avait les larmes aux yeux. Un sentiment qu'elle n'avait que trop bien connu après le départ soudain du jeune homme. Elle détestait ce sentiment. Se refrénant du mieux qu'elle le pouvait, c'est avec une voix cassée qu'elle ne tarda pas à répondre à Rohan. « Et nous ? Ce n'était pas suffisant comme rêve ? Tout ce que l'on avait prévu de faire après Poudlard ? » Le souffle court, elle se détourna afin de passer une main sur ses yeux humides. Effaçant toute trace de larmes, elle posa à nouveau son regard douloureux sur le sorcier qui se tenait devant elle. Elle n'arrivait pas à croire qu'il puisse dire ça. Comme si leur histoire n'avait eu aucune importance. Elle n'en avait plus désormais aujourd'hui pour la brune mais entendre la même chose venant de Rohan était blessant. Partagée entre colère et chagrin, elle ne voulait plus faire le plaisir au jeune homme de la voir si bouleversée. Respirant profondément, elle se reprit en quelques minutes. « C’était moi que je fuyais, ça a jamais été toi. J’aurais pu te demander de venir avec moi, mais je pouvais pas te forcer à faire ce choix. J’étais faible, mais je pouvais pas à jamais me reposer sur toi. Je me plains pas et je ne cherche même pas à recevoir un semblant de pitié. Ce sont juste les faits. Je pouvais pas. Et je serais surement jamais comme toi, mais ce sont mes erreurs, je veux pas que tu vives avec ça. » Secouant légèrement la tête pour montrer son indignation, Daegan ne su pas quoi répondre à ça. D'un côté, il avait raison mais de l'autre, cela ne l'excusait absolument pas. Il était parti comme un lâche et n'avait pensé qu'à lui. Or elle pensait que dans un couple, il fallait faire des concessions. Passant une main sur son visage, elle soupira. Elle avait déjà perdu assez de temps avec lui et ne comptait pas en perdre davantage. Comptant bien mettre un terme à cette discussion sans pour autant partir sans lui laisser de réponse, Daegan croisa les bras sur sa poitrine et fixa Rohan avec un air détaché. « Mais je vis avec tes erreurs Rohan. Elles m'ont affecté durement après ton départ et continuent encore de m'embêter aujourd'hui. Sauf que j'ai tourné la page. J'ai compris que je m'investissais bien plus que toi dans notre relation. Je supportais tes crises de jalousie et tes moments de panique sans rien dire. Et toi, pour me remercier, tu es juste parti sans laisser le moindre mot. » Fatiguée, la jeune femme leva les mains en signe de reddition. C'était assez. Elle avait été trop loin en allant lui demander les raisons de son départ et ne voulait plus jamais avoir affaire avec Rohan. Plus jamais. L'observant comme si c'était la dernière fois qu'elle le voyait, la jeune femme tourna des talons et ne laissa pas le temps au jeune homme de s'exprimer. Claquant la porte derrière elle, elle rejoignit Priam dans sa chambre afin de se changer les idées. Rohan était un mauvais souvenir qu'il fallait effacer de sa mémoire et elle allait s'y prendre dès maintenant.