Des lueurs chaudes se reflétaient sur les murs du bureau, d'un bois noir de jais. Dans l'âtre de l'imposante cheminée dansaient des flammes. Leurs crépitements étaient comme une mélodie qui berçait A.V., affalé derrière l'énorme fauteuil en cuir de son bureau. Pas un autre bruit n'était audible. Enfoncé aussi profondément dans les entrailles du Ministère, il était rare d'entendre le moindre bruit. A ce niveau l'on trouvait le bureau du Ministre de la Magie, celui d'A.V. ainsi que toutes les petites mains qui préparaient les brochures officielles, etc... Peu de sorciers se rendaient ici par courtoisie. A.V. ainsi que la famille Rosier effrayaient trop pour que quiconque se rende ici de son plein gré.

A.V. commençait à s'impatienter. Devant lui étaient étalées quelques papiers de presse sur lesquels ses grandes mains étaient étendues, lasses. Il commença à clapoter dessus, avec ses doigts élégants. Un soupir s'échappa de sa bouche. Il jeta, furtivement, un coup d'oeil sur la petite pendule de bureau posée à l'angle de son espace de travail. Elle affichait d'étranges symboles énigmatiques pour quiconque ne serait pas initié. A.V. y déchiffra la date, l'heure, le nombre de personnes pensant à lui ainsi que ceux se dirigeant vers lui. Dix huit heures vingt-six, dix-neuf mai, trois personnes et une seule. Ses commissures de lèvres se tendirent pour former un discret sourire de plaisir. La personne qui se dirigeait vers lui était, sans nul doute, Isemay. A.V. se doutait pertinemment qu'elle devait craindre leur entretien qui lui avait imposé. Car, il fallait le dire, ils n'étaient absolument pas amis. A.V. ne la considérait que comme un instrument utile, malléable... et remplaçable. A l'inverse, il estimait qu'Isemay le considérait comme quelqu'un de peu de vertu, vicieux et dangereux. Leur relation était clairement dominée par A.V. qui manipulait Isemay à sa guise, afin d'obtenir d'elle des faveurs qu'elle n'était pas en mesure de lui refuser. Car A.V. possédait de quoi détruire Isemay. Il lui avait tendu un piège dans lequel elle s'était précipitée, tant et si bien qu'il soit en mesure, d'un claquement de doigt, de détruire sa vie et sa réputation. Et, si cela ne suffisait pas, A.V. pouvait la tuer sans état d'âme.

La pendule étrange affichait bientôt la demie et plus personne ne semblait se diriger vers A.V. Effectivement, Isemay était arrivée et toquait déjà trois coups timides à la porte du bureau.

entre.

A.V. parlait d'un ton froid, sec. Clairement, il ne souhaitait pas que le rapport de force puisse s'inverser et était de fait décidé, d'entrée de jeu, à montrer qui dirigeait l'autre. Pour l'écraser de son corps, il s'était levé. Malgré sa taille moyenne, il était imposant. Une force certaine se dégageait de lui, en même temps qu'une férocité et une bestialité connue dans tous le pays. Face à lui Isemay pouvait paraître faible, chétive et malingre. A.V., néanmoins, ne la sous-estimait pas, persuadé qu'elle pouvait être dangereuse si l'occasion lui était donnée.

Ferme la porte derrière toi, Isemay. Je n'ai pas envie que l'on puisse surprendre notre petite conversation à venir. Ah, et prend ce siège, là-bas

Il indiquait du menton une chaise en bois rigide, aux allures inquiétantes malgré sa fragile apparence. Isemay semblait tendue, comme peu rassurée par ce qui semblait être un nouveau piège d'A.V. Effectivement, il était étonnant qu'il lui refuse ses fauteuils magnifiques placés devant son bureau au profit de cette chaise austère. Toutefois, l'air de rien, Isemay emprunta la chaise et s'y installa. Un sourire plus affirmé s'étira alors sur le visage d'A.V.

Lors de notre dernier entretien, par hibou, je me souviens t'avoir explicitement demandé de m'avertir en amont lorsque la Gazette se préparait à publier sur le compte du Ministère. Il me semblait avoir été plus que clair. Je me trompais ?

La question ne semblait pas nécessiter de réponse. Le sourire d'A.V. avait complètement disparu. Il semblait maintenant furieux, redoutable et dangereux. Plus que de coutume, tout du moins. Là, sans dire autre chose, il s'empara rapidement de sa baguette et dessina avec un arc de cercle. Le cliquetis de la porte s'enclencha, interdisant alors toute entrée ou sortie du bureau. Une lueur cruelle éclairait désormais les yeux du Secrétaire d'Etat. Isemay, elle, semblait se ratatiner sur sa chaise qui grinçait aux moindres de ses mouvements.

Déjà cinq articles sur le Ministère en quatre jours et aucune nouvelle de ta part. Visiblement, ton dernier passage ici ne ta pas servi de leçon...

Il parlait en tournant autour d'elle, comme un prédateur autour de sa proie. Lorsqu'il termina, il détacha lentement sa robe de sorcier pour la jeter sur son fauteuil, nonchalamment. Se découvrait alors un costume élégant, d'un bleu nuit époustouflant, qui accentuait un peu plus les traits physiques d'A.V. Il retroussa ses manches sur ses bras tout en jouant avec sa baguette. Son sourire, quant à lui, devenait terrifiant, comme un présage que rien de bon n'allait arriver.

En tant que pourriture de journaliste, je suppose que tu as préparée d'avance ta défense... Je t'écoute.

Ses canines révélées par ses lèvres retroussées scintillaient à la lueur des flammes de la cheminée. Isemay déglutissait et parlait enfin. A.V. avait hâte d'écouter ce qu'elle avait à dire car plus tôt elle aurait fini et plus vite ils passeraient aux choses sérieuses.

Cette dernière réponse fit tiquer A.V. Il ne supportait pas qu'on l'inclut dans le "tout Londres". Il se considérait comme plus important que le "tout Londres", plus puissant aussi. Peut-être, pensait-il, Isemay ne partageait pas ce point de vue. A.V. n'avait d'autres alternatives que de lui faire la leçon. Il se plaça derrière elle, derrière la frêle chaise de bois. Il s'accroupit derrière, de sorte à avoir sa tête au niveau de la sienne. Il posa ses mains puissantes sur ses épaules et lui susurra à l'oreille :
Je vais te montrer, moi, que le tout Londres n'est rien à côté de moi...Et, sur ces mots, il entoura sa gorge de son bras droit, avec force et rapidité. Isemay étouffait presque. De sa main gauche, il tapotait de sa baguette la chaise avec une habileté déconcertante. Là, tels des serpents, les bras de la chaise commencèrent à se mouvoir pour s'entourer autour des bras d'Isemay. Trente secondes plus tard, A.V. desserra son étreinte, la chaise avait complètement immobilisée la journaliste terrifiée. A.V., lui, semblait comme un enfant face à un jouet que l'on viendrait de lui offrir. Il n'y avait aucune raison pour qu'il ne profite pas du corps d'Isemay sans défense.

Je propose, pour commencer que nous jouions à un jeu ! Il s'appelle le ni oui ni non. C'est plutôt simple : je te pose des questions et tu dois me répondre, sans mentir, sans employer ces mots interdits...

Son sourire ne laissait rien présager de bon. A.V. avait une idée derrière la tête et il était résolu à l'appliquer, coûte que coûte. Personne, à cette heure, ne viendrait le déranger dans son bureau. Il était de toute façon trop craint pour être dérangé en temps normal. A.V. et Isemay avaient la nuit devant eux pour jouer à ce petit jeu. Hélas pour cette dernière, seul A.V. connaissait les règles et était bien décidé à en tirer avantage. D'ailleurs, il était temps de commencer :

Es-tu assez idiote pour penser que je sois moins redoutable que le tout Londres magique ? Es-tu assez naïve pour ne pas avoir peur de moi ? Pour penser que, là, je ne pourrais pas te mordre, te faire souffrir ou même me débarrasser de toi ?

Il aimait tellement ce genre de jeux. Il allait tellement la faire souffrir. Il voulait lui arracher des larmes et des suppliques. Il voulait lui faire sentir la folie qui l'habitait ainsi que sa force et sa cruauté. A.V. voulait parader encore, contrôler aussi et torturer avec toute la théâtralité qu'il affectionnait.

A.V. semblait voir poindre des larmes autour des yeux de la sorcière. Il espérait se tromper. Il trouvait qu'elles arrivaient trop tôt. Il aimait que tout aille crescendo, que rien n'aille trop vite. Il se souvenait de toutes ses victimes. Parmi elles il y avait un  bon nombre qui avaient accélérer leur mort en ayant lassé A.V. Car tout ceci n'était qu'un jeu pour lui. Et plus vous jouiez avec A.V. plus il rendait les coups. Au contraire, avouez votre défaite et c'est la fin du jeu.
A.V. est comme un enfant. Une bête. Il s'intéressera à vous temps que vous l'amusez ou lui êtes utile. Une fois tout cela dépassé, il vous liquidera pour ne plus avoir à faire à vous mais pour qu'aucun puisse à son tour vous utiliser. Ce sont ses règles et tout le monde doit s'y plier. Après tout, il est sous-secrétaire d'Etat...

Je ne suis pas disposé à rire alors dépêche-toi donc de répondre...

Il la toisait. Avec une intensité folle. Il voulait lui faire perdre ses moyens. Que toutes ses défenses, toute son arrogance et ses sarcasmes se volatilisent. Il voulait sentir ses os craquer sous ses poings. Il voulait mordre sa chair, la lui arracher pour entendre, vibrants dans la nuit, ses cris de douleur. Il voulait la faire hurler, supplier et jurer. Il était décidé à lui rappeler qui il était et ce dont il était capable. Il était résolu.