Un peu trop d’alcool. Des paroles en l’air. Une altercation. Des coups de poings lancés au hasard et du sang. Le sien, sûrement, celui d’autres personnes. Un hôpital et il ne se souvient plus de rien. Il a dû s’évanouir entre temps. Trop d’alcool, trop de coups, aucune idée. La seule chose qu’il sait c’est qu’il vient d’ouvrir les yeux dans un endroit qui lui est totalement inconnu et, qui plus est, hostile. Des murs blancs, des murmures au loin, un univers aseptisé qu’il a en horreur et qui lui rappellent des souvenirs qu’il préférait occulter. Sa mémoire, cependant, n’est pas joueuse mais plutôt cruelle et s’acharne. Il sent les battements de son cœur qui s’accélèrent de manière alarmante tandis qu’il se relève avec une brusquerie non contrôlée et le monde tourne, le monde tangue inexorablement. Il se tâte et étouffe un cri de souffrance lorsque ces doigts effleurent son arcade sourcilière, probablement ouverte puisqu’un énorme pansement l’orne fièrement. Un de ses yeux est en train de gonfler dangereusement et il a la lèvre fendue. Ses mains sont rouges de sang et ses phalanges engourdies et douloureuses. Cela ne veut dire qu’une chose : il s’est bagarré mais il ne se souvient plus avec qui. A vrai dire, il s’en fout. Il veut juste partir d’ici, il est dans un environnement qui le met terriblement mal à l’aise.
Ses pieds tremblent tandis qu’il les pose sur le carrelage froid. Ses chaussures ne sont pas loin mais il a l’impression de parcourir des kilomètres avant de pouvoir les attraper. Les enfiler est une torture supplémentaire et récupérer sa veste pour la mettre sur ses épaules est un meurtre à lui tout seul. Il doit avoir des bleus partout. Et son cœur qui s’accélère encore en croisant des regards inquisiteurs qui passent. Une infirmière qui pose la main sur son bras et qui lui assène de rester tranquille :

«  Je peux pas… je peux pas rester ici. Faut que je m’en aille. Je peux pas … »

Mais elle le repousse sur le lit qu’il vient de quitter avec une insistance qui le fait frissonner d’un frisson qu’il pensait ne plus avoir. Il déteste cet endroit. Il en a peur. Viscéralement. Il doit partir. C’est maintenant devenu une nécessité absolue mais déjà il est entouré de visages qui viennent constater son état qui tentent de le rassurer mais aucune parole salvatrice ne parvient jusqu’à son cerveau ankylosé par une terreur irraisonnée. Il tente d’écarter tous ceux qui lui occulte la vision, impatient de pouvoir regagner l’air frais mais ils ne le laisse pas faire, l’empêchent de se lever. Il entend des imprécations impatientes pour qu’il se tienne tranquille mais rien n’y fait, personne n’arrivera à le garder ici. Il se lève, en bouscule quelques uns, est arrêté en chemin, en repousse encore, la porte de sortie s’échappe à son regard fou. Les vapeurs d’alcool, de médicament, de douleur brouillent tous ses sens. Il se retourne dans un geste de défense et pousse violemment un homme contre un mur. Dans les vapes, il est dans les vapes mais il veut partir à tout prix.