Le vent soufflait contre les carreaux des fenêtres en bois. Il écartait les gouttes de pluie clairsemées. La lune, haute perchée, projetait sa lueur jusque dans la pièce plongée dans la pénombre. A l'intérieur de celle-ci, des meubles étaient renversés, brisés. Un animal furieux semblait avoir été lâché ici. Là, des ongles semblaient s'être enfoncés dans le parquet, comme si une proie avait tenté de s'accrocher pour empêcher son prédateur de l'emporter. Un silence pesant s'était installé depuis déjà plusieurs dizaines de minutes. Le sang, étalé, commençait même à sécher. A.V., lui, avait gravit les escaliers qui les séparait de l'étage, des chambres. Il avait pénétré l'une d'elle. Il regardait dormir un enfant de cinq ans environ. Une petite créature angélique, blonde aux cheveux bouclés. Il la regardait, comme attendri. Puis, il afficha un large sourire et se jeta sur le corps de l'enfant, arrachant d'une main puissante sa couette et son ventre, se jetant à pleine bouche dans ses tripes et boyaux.

Définitivement, A.V. n'était plus celui que l'on avait pu connaître. Il n'était plus l'enfant qu'il avait été. Le gamin si parfaitement éduqué avait disparu tandis que l'étudiant exemplaire semblait s'être s'évanoui. Il ne semblait plus qu'habiter en lui Silas, le monstre qui autrefois l'effrayait tant. Son empathie, sa tendresse et sa jovialité s'étaient évaporées pour laisser place à ses humeurs, son animosité et sa férocité.


Une perdrix chantait tout là haut, perchée dans les branchages. Gerold l'observait en contrebas, agacée par son chant mélodieux. Femme froide et paranoïaque, elle aimait que tout soit sous son contrôle, que personne ne gêne ce qu'elle avait prévu. Ici, entourée de ses admiratrices, elle ne supportait pas qu'un simple oiseau puisse gâcher le spectacle qu'elle donnait. Gerold se mettait en avant, elle envoyait de la poudre à ses amies. Elle leur expliquait combien il était doux de pouvoir toujours être considérée comme une reine, qu'elle ne savait plus que faire de son argent et que son mari était le meilleur parti possible.

Gerold Garth venait d'une famille bourgeoise. Une famille qui s'était enrichie en faisant commerce d'huiles à cuisiner diverses. Un commerce moldu dans une famille de sorciers. Gerold, à son entrée à Poudlard comprit bien vite que ses aspirations ne pouvaient être couronnées de succès si elle ne parvenait pas, très vite, à dissimuler ses origines. Rapidement, elle se forgea une carapace si hermétique aux attaques externes qu'elle devint incontournable dès sa seconde année.

A l'inverse, Vibius est né dans la richesse. Il est le bon parti dont Gerold parlera plus tard à ses amis réunies sous la perdrix. Sa famille, anoblie durant le Moyen-Âge, est l'une des plus respectée du pays. Leur nom, Diederick, suffisait pour voir s'ouvrir les portes et écarquiller les yeux. Car peu d'anglais n'avaient vu un membre de cette illustre lignée. Cloîtrés dans leur château écossais, ils ne se mélangeaient pas aux autres. Parfois ils se rendaient en personne à Londres afin de faire valoir leurs positions au Ministre de la Magie en personne. A cette extrême puissance venait pourtant s'ajouter un bémol de taille : Vibius.

Très tôt les parents du jeune garçon se rendirent compte qu'il n'était pas comme eux. Plus terre à terre, Vibius n'avait aucun intérêt pour la mondanité, le statut du sang ou encore la richesse. Il était intéressé par la nature, l'humain et la charité. Plutôt grande âme, il était un garçon plein d'empathie, de gentillesse et de douceur. Ses parents, bien que farouchement opposés à tout mélange avec le reste du monde, furent soulagé quand ils l’envoyèrent enfin à Poudlard. Ceux-ci pensaient en effet que l'Ecole lui permettrait de trouver sa place parmi les autres étudiants.

C'est à Poudlard que Gerold et Vibius se rencontrèrent. Ce dernier n'eut aucune vue sur la Serpentard tandis que celle-ci, attirée par la renommée de son nom fit des pieds et des mains pour attirer son attention. Rapidement, les familles Garth ainsi que Diederick s'en mêlèrent et leur union, puis leur mariage fut arrangé. Chacun y trouvaient son compte, y compris Vibius. Celui-ci pouvait effectivement partir faire le tour du monde des jours durant, sa femme Gerold s'occupant des affaires mondaines et de perpétrer l'influence de la famille.


Le vent soulevait le sable qui fouettait alors les visages. Quelques chaumières, lointaines, scintillaient haut loin. Comme des étoiles tombées du ciel. Toutes se reflétaient dans l'eau du lac immense. Seuls les crapauds qui croassaient et les pieds de A.V.sur le sable faisaient fuir la torpeur de la nuit. Décidé, hâtif, il marchait d'un pas soutenu et déterminé, baguette à la main. Sans prévenir, il bifurqua à droite, sur un chemin que l'on ne pouvait deviner. Il fallait le connaître d'avance pour pouvoir l'emprunter. Il était légèrement en pente. A.V. s'éloignait du rivage pour s'enfoncer dans la végétation. Bientôt, ni les crapauds ni les étoiles ne pourraient le gêner, il serait seul.

Quelques minutes plus tard, une tour noire se dessinait. Droite, fière, puissante. Elle n'impressionna pas A.V. qui accéléra le pas en direction de la bâtisse. Il leva haut vers le ciel sa baguette. Un éclair horizontal en jaillit alors. D'une intensité rare et d'une lueur aveuglante. La tour frémit en un bruit lugubre et tout un pan entier s'effondra. La rage empara alors A.V. qui, en une fraction de seconde, se transforma en loup-garou. A ce moment-même, une femme suivie de sa fille et son mari fuyaient la tour, apeurés et sanglotant. Vainement le mari essayait de chasser le loup-garou qui venait les assaillir. En un bond puissant et maîtrisé, le loup qu'était A.V. fondit sur la femme qu'il décapita d'un coup de gueule, sous les cris horrifiés de sa fillette qui lui tenait la main. Le père, abattu s'effondra sur le sol. Atterri quelques mètres plus loin, porté par la puissance de son bond, A.V. revenait, lentement, dans leur direction. Ils étaient trop terrifiés et abattu pour oser fuir. Sans même un regard, A.V. porta un coup de patte dans le ventre de la fillette, faisant jaillir tous ses boyaux. Le père était en état de choc. Mais pas mort... Le loup s'approchait de lui. Les larmes qui jaillissaient des yeux du sorcier faisait se refléter la silhouette animale d'A.V. Empli de rage et de machiavélisme, A.V. lui arracha bras et jambes. Des cris de douleur déchirèrent la nuit. Une marée de sang venait se mêler à celles des deux femmes. A.V. reprit alors forme humaine, posa un doigt sur le visage horrifié de l'homme. Il ramassa une goutte de sang qu'il lécha et se détourna. Il quittait les lieux, laissant l'homme se vider de son sang en contempla sa femme et sa fille estropiées,  assassinées.


Gerold était encore une fois seule. Un grand château... vide. La soirée mondaine de la veille, organisée par ses soins, semblait déjà lointaine. Les quatre elfes avaient tout remis en ordre, comme effacer les preuves. Vibius revenait de trois mois de voyage qu'il était reparti une journée après. Malgré les sourires affichés durant la soirée et l'assurance avec laquelle elle parlait de son couple, Gerold savait que les choses ne fonctionnaient pas. Elle se sentait seule. La renommée et le pouvoir lui étaient acquis, maintenant il lui fallait plus. Seule dans son château, elle songeait des heures entières à comment parfaire sa vie. Elle avait songé aux filtres d'amour pour Vibius, a se constituer une cour autour d'elle ou même à partir habiter Londres. Mais rien de cela ne l'aurait satisfaite réellement. Avachie dans un grand fauteuil, un bouquin posé sur ses jambes, elle avait le regard vague, perdue dans ses pensées. C'est alors qu'un couinement suraiguë brisa le silence. Lentement, Gerold s'extirpa de son fauteuil et partit à la recherche de l'origine de ce bruit.

Son corps élancé, fin et majestueux précédait sa robe de chambre de soie qui volait derrière elle comme un traîne. Les grands couloirs blancs aux immenses fenêtres amplifiait son charisme. Sa longue baguette de bois blanc posée nonchalamment sur ses doigts, elle tapota avec deux coups sur une porte camouflée. En un bruit de succion elle s'ouvrit alors sur une pièce de petite taille dans laquelle quatre elfes affolés piaillaient.

- ... elle nous fera libérer et nous seront comme ses elfes dans la rue...
- Oh ! Maîtresse !

Ils s'étaient finalement rendu compte de la présence de Gerold. Les quatre firent une révérence polie, tout en tentant maladroitement de dissimuler l'objet des couinements.

- Que me cachez-vous, encore ?...

Demanda-t-elle, lasse, habituée par leurs bêtises. Elle passa sa tête par l'encadrement de sa porte. Là, elle devina une espèce de grosse défécation animale, à l'odeur étrange et avec un jus épais et blanc qui en dégoulinait. Gerold leva un sourcil interrogateur, peu habituer à faire face aux excréments elfiques. Et puis, soudainement, la crotte se mit à remuer et geindre. Gerold sursauta, surprise autant qu'un peu effrayée.

- Pardonnez-nous maîtresse, pardonnez-nous ! Ne nous libérez pas !

Ils s'étaient jetés à ses genoux et l'imploraient comme jamais. Gerold, elle, restait figée sur l'excrément vivant. Ou ce qu'elle avait pris comme tel.

- Qu'es-ce que c'est que cette chose ?!

Demanda-elle, nauséeuse. Là, dessus, un elfe tout intimidé, rouge de honte et sans doute à deux doigt de tourner de l'oeil vu son état de panique lâcha, un peu ému :

- Mon enfant. Il vient de naître, maîtresse.

Gerold, bouche bée fit volte face et se retourna dans le salon, plus songeuse encore. Elle comprit alors ce qui lui avait toujours manqué pour parfaire son royaume : un enfant.


Le bruit de sa main qui s'abat sur sa joue claqua comme un fouet. A.V., qui la surplombait en taille et en force affichait un sourire diabolique, découvrant ses dents aiguisées. La sorcière devant lui baissait la tête, comme pour dissimuler le flot de larmes qui coulait de ses yeux.

- La prochaine fois que tu t'adresses à la presse sans mon autorisation, ce n'est pas au Ministère que je t'infligerais ta punition. Je pénétrerais chez toi. Je n'aurais pas même à attendre ton retour puisque, étant ton patron, je connais tes horaires. Et, crois-moi sur parole, quand je me déplace en personne, je n'ai pas pour habitude de faire dans la dentelle.

La sorcière, terrifiée, abasourdie parce qu'elle venait d'entendre, leva de grands yeux apeurés et suppliants vers A.V. Lui était impassible, d'une férocité sans borne. Comme pour mettre de la distance entre elle et son bourreau, elle recula de trois pas jusqu'à buter contre un meuble de bois léger. La faiblesse qui émanait d'elle agaçait plus que tout A.V. Il soupira, jeta nonchalamment sa cape de sorcier au sol et, rapidement, se jeta sur la femme qui hurla bientôt sous les coups de poings frénétiques d'A.V.

Ecoutez espèce de zouave tambouctoulien : fermez là sinon c'est pas mon gamin que je vais pousser hors de moi mais mon poing jusque dans votre gosier !

Gerold avait réussi à avoir un enfant. La nouvelle avait surpris bien des sorciers. Des bruits courraient quant à l'identité du père. Beaucoup pensait, en effet, que Vibius était trop occupé à parcourir le monde pour parcourir sa femme. Gerold elle-même ne savait pas qui était le père mais peu lui importait : son enfant serait un Diederick ou ne serait pas.
Vibius était donc présent, aux côté de sa femme, qui hurlait à la mort et incendiait l'homme qui aidait à son accouchement. Malgré leurs doutes réciproques sur l'identité du père de l'enfant à naître, ils faisaient bonne figure. Ils savaient que le moindre indice laissé deviendrait une rumeur qui elle-même se transformerait en scandale et risquerait de leur faire perdre le prestige de leur nom.

Après plusieurs heures, des pleurs d'enfant transpercèrent les murs jusqu'à atteindre un couloir délavé dans lequel attendaient, excitées, quelques bourgeoises en attente d'informations quant au bébé. Bientôt, Vibius, fier comme jamais, vint les rejoindre, le teint rosi, leur annoncer :

- C'est un garçon ! ASPEN VERN DIEDERICK : notre garçon !

Rapidement les Diederick regagnèrent leur château isolé. Tandis qu'ils vivaient reclus là-bas, comme à leur habitude, Londres faisait circuler la nouvelle de la venue au monde d'Aspen avec effervescence. Gerold, qui aimait tout contrôler et savoir, apprécier être au centre de l'attention sans avoir à faire le moindre geste. Aussi laissa-t-elle couler quelques années avant de reparaître au grand jour, préparant en cachette son grand retour. Celui de la famille Diederick. Hélas, à cette heure, elle ignorait que la réputation de son fils effacerait celle de la famille toute entière.

Gerold avait réussi son retour triomphal dans la mondanité. Tout Londres semblait se presser aux portes de son jardin pour assister à son grand barbecue. Seul Vibius manquerait à l'appel, pour ne pas changer. Gerold n'en faisait cure : Aspen était présent et elle comptait bien le brandir comme son trophée personnel. Vibius avait rempli son rôle, elle ne lui en demanderait pas plus. Maintenant, c'était à Aspen d'assouvir ses besoins.

Le repas était extraordinaire. Les elfes avaient réalisé une cuisine exquise et installé une décoration époustouflante, parfaite encore par Gerold. Elle menait la danse comme un capitaine tandis qu'Aspen n'avait qu'un désir : déserter. Il n'aspirait pas à rester faire bonne figure. Il voulait partir à l'aventure, échapper à la surveillance de sa mère et à l'étiquette qu'elle lui imposait malgré ses six ans. Il voyait bien au loin quelques enfants s'amuser, poliment. Il les observait, n'osant pas trop les rejoindre. Parfois il entendait jaillir vers sa direction des prénoms d'enfants. Celui qui revenait le plus souvent était Rohan. Aspen trouvait que ça sonnait un peu comme éléphant ce qui lui rendait le garçon sympathique. Il l'observait bavarder, parfois avoir l'air boudeur puis décida enfin d'aller le rencontrer. Hélas, il ne fit pas dix mètres que Gerold le saisit vivement par le bras, l'air courroucée.

- Hors de question que tu ailles fréquenter ce garçon : on ne m'en as dit que du mal. Apparemment il mangerait des limaces... Va plutôt parler à tante Goethe !

Elle poussa alors Aspen en direction d'une sorcière extrêmement ridée, endormie. Autour d'elle les sorciers faisaient mine de ne pas la voir, sans doute inquiets de découvrir que plutôt qu'endormie, elle était décédée. Aspen n'en fit rien, il se dirigea vers elle, plein de malice, et lui vola sa baguette. Quelques heures plus tard, la vieille se réveillera, mettant sur le compte de son âge cette perte.


La lueur des flammes violettes se reflétait dans les yeux grands ouverts d'A.V. Il admirait le spectacle dont il était l'auteur avec un délice non dissimulé. De la masure en flammes s'échappait un chien. A.V., sans pitié, le renvoya dans le brasier d'un énergique coup de baguette. L'animal glapît puis se tut. A l'étage un homme hurlait de panique, tentant d'échapper au flammes. Il tambourinait à une fenêtre, le visage recouvert de suie, les larmes se mêlant à sa sueur. Sous la chaleur, la vitre explosa en mille morceaux de verre tranchant. Bon nombre d'entre eux vinrent se planter dans le visage de l'homme. La scène attirait désormais toute l'attention de Silas qui ricanait devant la bêtise de l'homme. Il tentait de retirer à mains nues un long bout de verre chauffé à blanc venu se planter dans son oeil. Il se débattait et courait dans tous les sens, ne prenant pas gare aux craquements inquiétants de la baraque. A.V. recula de trois pas et, alors, devant lui la masure s'effondra, en un nuage de poussière et de fumées. Il transplana alors, laissant les flammes dévorer le peu qu'il restait.

- Si tu me la montres alors je montrerais la mienne...

Quelques mois après le vol de la baguette de tante Goethe, Aspen était parti en douce dans le bois environnant le château familial. Il y avait bâti une cabane en bois, de belle facture qu'il comptait parfaire avec ce qu'il avait dérobé. Il ne l'avait pas encore sortie qu'une gamine, sortie de nulle part, vint le surprendre. Pas décontenancé pour un sou, le garçon se vantait auprès d'elle. Il lui racontait avoir une baguette magique alors même qu'il n'avait que six ans et qu'il faisait maintenant tout ce qu'il voulait. Un peu blessée dans son estime, la jeune fille lui rétorqua qu'elle aussi. Aspen proposa alors un échange plus qu'honnête : qu'elle lui avance une preuve qu'il fasse de même ensuite.
La jeune fille était embarrassée. Elle fit alors mine d'avoir fait tomber sa baguette pour ramasser une branche sur le sol. Et de feindre qu'elle était sa baguette. Aspen ricana, goguenard. C'est alors qu'une chose en lui semblait grossir. Une pensée extrêmement mauvaise. Une force malsaine, vil et cruelle. Elle grossissait en elle comme de l'air qui rempli un ballon. Il était tétanisé. La jeune fille le regardait, inquiète. Aspen ne pouvait plus bouger, comme s'il avait une attaque. Et puis, plus rien hormis un sourire cruel affiché sur son visage. Et une voix d'homme. Une voix froide, démoniaque et sans pitié qui lança à la petite :

- Maintenant, tu vas voir ma baguette

La fillette, terrifiée devant ce changement de comportement, ouvrit de grands yeux terrifiés dans lesquels un éclair de lumière verte se reflétait. Silas ricanait tandis que la jeune fille tomba à ses pieds, morte.

Plusieurs heures passèrent avant qu'Aspen se décide à sortir de sa cachette de bois. Il s'était réveillé allongé près de la jeune fille, morte. Il n'avait aucune idée de ce qui avait bien pu se passer. Il se souvenait uniquement de cette force qui avait émergée en lui et d'un vague éclair vert. Ses yeux étaient rougis par les larmes qu'il avait versé. Il était en état de choc. Il décida de briser la baguette en deux, persuadé que tout venait d'elle. Persuadé encore que la magie avait une mauvaise influence sur lui. Il jeta les différents bouts loin devant lui, pour ne plus jamais pouvoir la retrouver. Puis il laissa la gamine sur place et prit la fuite. Son seul objectif était de rentrer au château, où sa mère veillerait sur lui comme un tyran. Mais, parfois, les tyrans amènent les seuls défenses possibles face aux bourreaux. Et, entre ces deux maux, Aspen préférait sa mère.

Gerold s'occupait maintenant seule de l'éducation d'Aspen. Vibius était de moins en moins présent. A peine rentrait-il pour Noël, alors il envoyait régulièrement des hiboux plein de cadeaux divers à son fils. Gerold inculquait avec force et vigueur les valeurs auxquelles elle croyait à son fils. Elle était satisfaite de son écoute, persuadé que l'âge lui faisait entendre raison. Elle ne se doutait pas, en fait, que son enfant avait été l'origine d'un meurtre et qu'il s'était juré alors d'écouter sa mère. La peur était le matériau insoupçonné avec lequel Gerold forgeait son fils. Année après année, Aspen se transformait en un parfait modèle d'éducation, de politesse et de rigueur. Il était l'enfant chéri de sa mère qui exhibait à qui voulait le voir son fils prodige. A eux deux ils étaient devenus les rois des soirées mondaines, ceux sans qui rien n'était possible. Comme des perles rares que l'on s'arrachait.

Et puis, il y eut cette soirée d'été. Une grande tonnelle avait été tendue. Aspen devait avoir un peu plus de huit ans. Deux semaines plus tôt ses pouvoirs magiques s'étaient manifestés, à sa grande horreur. Il avait gardé un traumatisme immense de la première fois qu'il avait manipulé la magie et redoutait que le résultat soit le même chaque fois qu'il la manipulerait. Il espérait, au fond de lui, être cracmol. Mais il n'en avait été rien : il était bel et bien un sorcier. Gerold organisa donc une immense fête en son honneur, étalée sur deux journées et un soir. Des elfes triés sur le volet venaient servir du vin et autres hydromels tandis que des plats, comme portés par des nuages, naviguaient entre les convives. Eux étaient allongés nonchalamment sous la grande tonnelle blanche, dans des divans. L'atmosphère générale rappelait un peu les orgies romaines. Aspen, bien qu'au centre de l'attention, n'appréciait guère le cadeau offert. Il était devenu las d'être le prince du royaume. Il ne lui était plus agréable d'être poli, de se forcer à respecter l'étiquette. Il se perdait dans ses pensées lorsqu'un visage qui ne lui était pas inconnu vint le happer de ses rêveries. Les années avaient passées mais Aspen se souvenait de ce garçon qui attisait sa curiosité : Rohan Garrigan. Cette fois encore, il se contenta de le suivre du regard pendant un long moment. Enfin, il se décida à aller à sa rencontre.

- Bonsoir, Rohan.

Le garçon fit volte-face, visiblement surpris qu'Aspen puisse connaître son prénom. Et Aspen d'être surpris que Rohan ne connaisse pas le sien. C'et alors que, peu à peu, les deux garçons s'isolèrent du groupe pour passer la soirée à parler, rire et voler quelques coupes de vin. Ils échangèrent sur leur mépris de la mondanité, de l'étiquette, etc... Peu à peu leur amitié se forgea ainsi que le caractère d'Aspen. Grâce à Rohan, il avait réalisé qu'il n'était pas heureux, que dorénavant il écouterait ses envies plutôt que celle de sa mère. Gerold appellerait ça la "crise d’adolescence", Aspen, lui, pensera "émancipation".

- Maman, je hais mon prénom. Désormais, on m'appellera A.V.

Il avait parlé d'un ton solennel, comme si malgré ses efforts il ne pouvait se dissocier totalement de l'étiquette. Mais l'effet recherchait était réussi : sa mère semblait désemparée devant l'autorité de son fils et sa franchise inhabituelle. Elle était loin de se douter, alors, qu'à partir de ce jour Aspen disparaîtrait définitivement pour ne laisser de place qu'à A.V. Mais pour combien de temps...?


La falaise était léchée par le vent. Un vent du nord, froid, violent et sec. Il faisait voler la cape d'A.V. comme un étendard qui claque au vent. Malgré tout, ses sens aiguisés étaient en alerte. Il savait que bientôt il serait rejoint. Qu'il allait devoir mener combat. Il cherchait le moindre indice pour déceler son adversaire. Le bruit du vent semblait seul, pourtant. Les herbes uniquement se mouvaient. Et seule la Lune éclairait. Et puis, tel un coup de vent, un sonore se répercuta dans la nuit. A.V. fit volte face. à cent mètres venait d'arriver un sorcier, élancé, vêtu d'un costume noir de jais. Il fit jaillir en sa direction un rapide jet de lumière gris métallique qu'A.V. esquiva en un saut peu élégant. Il était courroucé de ne pas avoir vu venir l'attaque de l'homme. Sans lui laisser plus de répits, l'homme réitéra son attaque afin de submerger A.V. qui se trouvait, de fait, en très mauvaise posture. Lui qui n'était pas coutumier de ce genre de situation commençait à perdre patience. Il se jeta alors, en un saut spectaculaire, à dix mètres. A peine au sol il fit jaillir de sa baguette un énorme arc de cercle noir d'un quinze de mètres de large. Derrière son sillage, l'herbe était réduite en cendres, comme un tapis de braise.

- PROTEGO !

Rentré en collision, les deux sortilèges émirent un bruit sinistre. Sous l'effet du sort d'A.V., le bouclier du sorcier forma une boule orangée, matérialisant son sortilège. Là, il commença à se fissurer et s'émietter comme s'il était de verre. Le rival eut à peine le temps de se réfugier sous un autre sort que son bouclier s'effondrait sur lui-même. En des bons félins, A.V. s'approchait rapidement de son rival. Il l'assaillit de sortilèges fusant dans l'air. L'homme était submergé et parvenait de moins en moins à parer. En un dernier bond, A.V. l'atteignait de plein fouet et lui attrapa la mâchoire de sa main bestiale. Ne lâchant prise pour rien au monde, malgré le sortilège cuisant de l'homme, A.V. tira avec force vers lui, de sorte à déboîter la mâchoire de l'homme. Un dernier coup sec et A.V. la brandissait au-dessus de sa tête, comme s'il s'agissait d'un trophée. L'homme tomba à genoux, puis au sol, tête la première. Son sang se répandait devant lui. A.V. ricana et jeta sa mâchoire dans la mare de sang. Un dernier Plop se fit entendre : A.V. transplanait.

✤✤

Il était hors de question que Gerold et A.V. se rendent au Chemin de Traverse. Du moins, pas ensemble. Leur relation était devenu orageuse, au minimum. Ils se vouaient mutuellement une haine non dissimulée scellée par un pacte simple : aucun contact hormis à l'extérieur où, ensemble, ils devaient sauver les apparences. Ainsi A.V. se retrouvait seul face à sa mère inquisitrice. Il trouvait refuge avec les hiboux de son père. Il comprenait maintenant ses voyages à répétition, sans nul autre but que de fuir son épouse. A.V. l'enviait dorénavant. Aussi voyait-il son après-midi au Chemin de Traverse comme une libération, une bouffée d'air en dehors du château oppressant. Il se mêla à la foule avec une certaine appréhension. Il n'était pas habitué à être mélangé avec toutes sortes de personnes. Lui ne connaissait que l'élite, il n'avait jamais vu de moldus, de mendiants ou même d'éclopés. Pourtant, il semblait parfaitement à l'aise. Quelques passants se plantèrent même devant lui pour s'assurer qu'ils ne rêvaient pas, qu'ils voyaient bien un Diederick. A.V. comprenait alors l'envergure de la réputation de sa famille. Ainsi que de savoir, d'avance, que Poudlard bouillonnait d'avance à l'idée d'accueillir de nouveau la lignée Diederick.

Rapidement, A.V. perdit toutes ses craintes quant à la magie. Il se révéla même extrêmement doué, brillant dans la plupart des matières, exceptées les potions. La minutie n'était pas le point fort d'A.V. et il le faisait bien savoir. Sa mère, elle-même, semblait courroucée d'avoir à acheter un quinzième chaudron d'étain au bout de seulement un mois et demi de cours. Puis les mois défilèrent, jusqu'à porter A.V. en cinquième année. Il s'était fait une place de choix parmi les élèves de Serdaigle autant qu'avec ceux des autres maisons. Plutôt populaire, il était de ceux qui avaient toujours le mot pour rire. Pas prétentieux pour un sous, il préférait vivre sa vie étudiante simplement plutôt que de s'attirer des ennuis, au grand dam de Jagger. Lui aussi était un élève de Serdaigle, de la même année qu'A.V. Ils devinrent amis assez rapidement, dès la première année, bien que sensiblement différents. A.V. était celui qui ne souhaitait pas faire de vague, qui aimait rire sans avoir à faire d'entorses au règlement. Jagger, au contraire, était le perturbateur, le leader et l'organisateur des beuveries et autres choses interdites. Peu à peu, Jagger entraînait A.V. dans son sillage. Ils semblaient de plus en plus inséparables, quand bien même ils ne soient pas des confidents l'un pour l'autre. Beaucoup les considéraient comme des "potes de déconnades". Rohan, quant à lui, n'avait pas su rester proche d'A.V. au sein de Poudlard. Malgré leur amitié l'un pour l'autre, ils redoutaient chacun les fréquentations de l'autre. A.V. ne supportait pas la moitié des Serpentard avec qui Rohan était tandis que ce dernier semblait porter une piètre estime aux amis proches du Serdaigle. Et tout cela dura jusqu'à la fin de la cinquième année. Après cela, tout allait être bouleversé.

A.V. s'enfonçait dans le bois. Sans but. Il fonçait simplement pour ne s'arrêter qu'une fois les voix lointaines, inaudibles. La Lune était haut perchée dans le ciel. Pleine. Brillante. Il s'affala au sol, contre un haut chêne. Il ne pouvait plus supporter sa mère, son univers superficiel et pompeux. Il en était venu à la haïr, elle et ses amis. Tue-les, alors. Une voix avait murmuré cela dans son corps. Et cette sensation qu'éclos en lui le mal, la bestialité et la cruauté revenait. A.V., en sentant cela, ouvrit de grands yeux paniqués. La dernière fois qu'il avait ressenti cela une gamine était décédée. Il s'attendait au pire, d'autant que maintenant la sensation était accompagnée d'une voix. Une voix froide, cruelle et féroce. Va plus au fond du bois. A.V. ne connaissait pas cette voix qui résonnait dans sa tête. Elle lui faisait frissonner tout le corps jusqu'à l'échine. Ses poils se hérissait. Cette voix était... effrayante, oui. Mais elle était aussi envoûtante, intrigante et curieuse. Comme possédé, A.V. décida donc de suivre les directives de cette voix inconnue.

Le bois devait en fait être une forêt. A.V. était surpris par son étendue. Il commençait même à regretter son choix, de crainte de s'être perdu. La voix, comme si elle le connaissait plus que quiconque, lui avait néanmoins fait remarquer qu'il avait sa baguette, ce qui le rassura. A.V. était extrêmement doué en sortilèges ce qui pouvait lui permettre de se tirer aisément de cette situation. De n'importe quelle situation, pensait-il. Pas celle-ci : derrière toi !
A.V. eu à peine le temps de faire volte face qu'une immense bête se jetait sur lui. Poils hirsutes, gueule grande ouverte et de multiples crocs étincelants à la lueur de la Lune. A.V. se retrouva au sol, la bête face à lui. Ses yeux s'écarquillaient plus encore lorsqu'il vu la gueule du loup-garou s'approcher irrémédiablement vers lui. Ses crocs lui arracher la gorge. Sentir le sang se dégager à flot. Sombrer.


Cela faisait maintenant des mois que A.V. cohabitait avec cette voix inconnue. Il la haïssait. Elle le terrifiait. Chaque fois qu'elle se manifestait, des horreurs survenaient. Sous son emprise, A.V. avait réalisé nombre d'atrocités. D'abord, il y eut les tortures sur Théodore puis l'attaque à Pré-au-Lard. A.V. perdait le contrôle, peu à peu, de son corps. Il ne sentait plus gonfler en lui la haine, la rage et la cruauté pour une raison simple et évidente : elle était devenue pérenne. La voix, elle-même, avait une nouvelle signification. A.V. réalisa à la moitié de sa sixième année qu'elle était celle de son ancêtre : Silas Vern Diederick. Son sang s'était alors glacé d'effroi. Parler de lui avait toujours été hautement prohibé dans la famille. Vibius lui-même entrait dans des colères noires lorsqu'on prononçait ce nom tabou, déshonoré et disgracié. Car peu de sorciers ignorent en effet la première, triste, réputation qu'a eu le nom Diederick. Il était porté, il y a quatre cent ans, par l'un des tueurs les plus sanguinaires, violents et cruels qui aient été durant la Guerre.


C'était une extermination. Jamais, de mémoire d'homme, on eu vu telle chasse à l'homme. Silas était plus qu'avidement recherché. Chacun voulait lui faire payer ses sévices, ses années de terreur qu'il avait imposées. Lui faire payer pour sa cruauté, sa bestialité, son inhumanité. Ne jamais rester plus de deux jours dans la même planque, ne pas utiliser de magie, voler pour se sustenter, ne pas laisser de témoin : Silas avait un plan pour leur échapper. Pourtant, une nuit d'hiver où la fatigue avait emporté Silas loin de la Grande-Bretagne il fut reconnu.

Cette fois, enfoiré, on t'as eu !

Ils étaient une quinzaine autour de lui. Des sorciers robustes, chaudement habillés et rassasiés. Silas faisait pale figure à leur côté. Malgré ça, par fierté sans doute, il les toisa. Une fois de trop. On l'affligea d'un coup entre les côtés et puis, plus rien. Néant.
Il se réveilla des heures plus tard, quand le jour commençait à se lever. Un mat en bois était dressé vers le ciel, autour un monticule de branches, de ronces. Ils allaient le tuer. Ils allaient le mettre au bûcher. Des dizaines de sorciers avaient accourus en hurlant et d'autres ne cessaient de les rejoindre. Bientôt ils étaient des centaines, certains avaient des fourches, d'autres d'énormes bâtons voire des couteaux. La plupart brandissaient leur baguette. Un déferlement de haine l'atteignit de plein fouet. Les pierres jetées s'écrasaient contre ses os. Les sortilèges Doloris lui mettaient les nerfs à épreuve. Les couteaux lui arrachaient des pans entiers de peau.
On le jeta comme une poupée de chiffon contre le mât levé. D'énormes cordes vinrent s'enrouler autour de lui et du mât. Il ne pouvait plus fuir. De toute façon il n'était plus en état, trop amoché pour tenir debout. Il se laissait soutenir par les cordes qui lui brûlaient la peau et la chaire à vif. On lui jeta de l'huile sur le visage, négligemment. Enfin, en un élan collectif, les centaines de sorciers pointèrent leur baguette en direction du bûcher et y mirent le feu. Plus tard, on dira que le feu chercha l'âme de Silas : il ne la trouva pas.

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A.V. ne pouvait plus se départir de Silas. Comme un venin, il se répandait peu à peu dans son corps. Plus les mois passaient et plus ils ne faisaient qu'un. Il devait aussi composer avec son nouvel état de loup-garou qui l'épuisait et accélérait plus encore l'emprise de Silas sur A.V. A mesure que le temps avançait, A.V. devenait comme une ombre : pâle, silencieux et mystérieux. Ses amis s'inquiétaient pour lui. Jagger, le premier, tentait de mettre à jour le secret qui éloignait chaque jour un peu plus son ami de lui. Et puis vint leur septième année. Malgré tout les incidents qu'il avait causé, A.V. conservait alors son statut de préfet. Le Directeur lui avait renouvelé sa confiance alors même que plus aucun élève ne le faisait. Londres elle-même avait été secouée par les frasques de Silas, tant et si bien que Gerold n'était plus suffisante pour protéger le nom Diederick. Il se murmurait que A.V. était la réincarnation de Silas. Que ces rumeurs d'âmes vagabondes étaient vraies et que le Serdaigle en était le parfait exemple. Quelques échos de ces rumeurs allèrent même jusqu'à pénétrer Poudlard. A.V. était devenu un paria. On le fuyait, l'évitait. Tous hormis Jagger. Il essayait de comprendre, de retrouver son ami de quelques mois plus tôt. Il tentait de creuser. Toujours creuser un peu plus pour pouvoir soigner ses maux. Mais il ne trouva rien d'autre que Silas.

C'était lorsque A.V. prenait son repas sous le regard grave de Jagger. Il avait beau y être habitué, la rage bouillonnait en lui tant il ne supportait pas cela. A un point tel que sa fourchette tremblait entre ses doigts. Jagger posait quelques questions, ce qui ne faisait qu'accentuer encore l'état furieux de A.V. Pourtant il ne cessait pas. Un malaise profond se dessinait à la table des Serdaigle. Les plus proches élèves semblaient se recroqueviller sur eux-mêmes, comme s'ils sentaient le danger approcher. Jagger n'avait, lui, rien vu venir. Une énième question mis A.V; hors de lui. Il fit voler son assiette posée devant lui et se jeta par dessus la table pour arriver de plein fouet sur Jagger. Il planta loin dans la chaire de Jagger sa fourchette. Un intense cri de douleur se mêla aux cris affolés des élèves. Un mouvement de panique générale s'éleva, submergeant jusqu'au corps professoral. A.V. frappait de toute ses forces le corps tétanisé de Jagger. Il ouvrit une large bouche et croqua dans son bras. Il sentait sur ses dents un muscle se contracter. A.V. y enfonça ses crocs. Loin derrière eux, des détonations se faisaient entendre parmi les cris. Les voix criardes des professeurs s'élevaient aussi. Et le sang de Jagger perlait déjà jusqu'au sol. Une lueur avide dans les yeux d'A.V. s'était éveillée. Il allait tuer son ami.

A.V. échappa de peu à l'exclusion de Poudlard. Les quelques semaines le séparant de la fin d'année jouèrent, sans doute un peu moins que le pouvoir de son nom. Malgré tout, il faut mis à l'écart. Il prenait ses cours seul, ne se mêlait plus aux autres autant par choix que par ordre du Directeur. Dans son isolement, sa rage grandissait encore, sa cruauté et sa bestialité bien plus. A lui s'était maintenant parfaitement mêlés Silas et le loup-garou pour ne plus former qu'une entité, un tout. Il se sentait dénué de sens moral, sans aucune limite et d'une force illimité. Ses aptitudes physiques semblaient décuplées, sans doute dopée par celle du loup-garou qu'il était. Il était devenu aussi fier et prétentieux que Silas en son temps, aussi insouciant et machiavélique. Il se sentait imbattable et surpuissant, oubliant de fait la mort infligée à Silas et les leçons qu'il y eut à en tirer. A.V. était devenu un monstre duquel tout ses anciens amis s'étaient détournés. Son propre père, Vibius, ne désirait plus avoir de contact avec. Il avait rompu son dernier attache en reniant A.V., de sorte que plus jamais on ne le vit en Angleterre. Gerold, elle, se terrait dans son château, priant pour ne jamais croiser la route de la personne qui avait été son fils. Elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait sortir indemne d'une telle rencontre. Elle savait ce dont A.V. était capable car, dorénavant, elle ne contrôlait plus ce qui se disait à Londres. Elle ne pouvait échapper à la descente aux enfers de son fils. Pas même spectatrice, elle devenait auditrice.


C'était une place pavée de pierres grisâtres, marquées par la pluie et le passage. En son extrémité s'élevait une fontaine de moyenne facture. Un banc en marbre posé là servait à A.V. de repos. Il avait été invité à se rendre ici par un hibou, surprenant et mystérieux. Un simple Rendez-vous à Credenhill, 23h45, ce jeudi. suivi d'un sceau que A.V. ne connaissait que trop bien : la secte Oblivion. A.V. avait fait le déplacement. Cela faisait trois ans et demi qu'il avait quitté Poudlard et qu'il n'avait donné signe de vie. Comme disparu de la circulation, rayé de la carte. Que l'on brave tant d'obstacles pour le retrouver l'avait rendu curieux. Il était venu en avance.
Sa baguette roulait entre ses doigts tandis qu'il s'impatientait. Les nuages masquaient parfois la Lune, ce qu'il n'appréciait pas. Il aimait pouvoir apprécier sa lueur, ressentir son énergie, comme si elle alimentait sa force. Pop Une sorcière élégante venait d’apparaître dans la nuit. Suspicieux, A.V. se leva et fit un signe de tête bref et vigoureux. La femme répondit en hôtant son capuchon, laissant deviner son identité : la femme du Ministre de la Magie.

- Je vous imaginez d'une taille plus élancée. Un peu moins séduisant, aussi.

A.V. retroussait ses lèvres en un sourire laissant apparaître ses crocs. Il aimait cette façon abrupt d'engager la conversation.

- Vous n'êtes pas un imbécile, Aspen. Ceux qui prétendent le contraire, en revanche, le sont. Vous êtes précieux. Et comme quiconque a votre valeur, vous serez courtisé et utilisé. Je ne le permettrai pas : je vous offre liberté, massacres et protection. Notre secrétaire d'Etat ne convient plus à ma fille et moi. Nous aimerions un départ rapide, sans délai, de sa part. Débarrassez-nous de lui et vous obtenez sa place et ce dont vous avez besoin. N'attendez pas pour prendre possession de vos nouveaux bureaux.

Elle baissa son capuchon. plop. Et disparut. Silas avait une lueur horrible dans les yeux. On pouvait y distinguer de la rage, de la haine et un désir certain de vengeance. Un sourire narquois s'étalait sur son visage quand, à son tour, plop.


Un bureau de bois noir de jais, imposant et magnifiquement décoré, les séparait. L'homme fixait A.V., l'air grave. Il semblait presque s'attendre à cette visite imprévue. Comme si des indices externes l'avait fixé sur son sort. A.V., lui, ne s'était toujours pas départi de son sourire insolent. Il allait faire son grand retour en Angleterre et comptait le réaliser dans les règles. Il s'approchait à pas lents, quasi feutrés, du secrétaire d'Etat, sans le perdre des yeux. L'homme demeurait immobile, comme résolu à subir ce qui était prévu. Un silence pesant oppressait les deux hommes, exactement comme A.V. l'appréciait. Il se tenait maintenant debout, devant le bureau. L'homme qui lui faisait face, dignement, était assis derrière le bureau, les deux bras posés perpendiculairement à son corps. Une véritable photographie d'homme politique. Les deux étaient figés, se toisaient. bam ! Brutalement, A.V. s'empara des avant-bras de l'homme. Il les serre fermement et, peu à peu, pénètre ses doigts puissants à l'intérieur. Tandis que A.V. le lacère, attrape ses artères comme pour les lui arracher des bras, l'homme ne sourcille pas, reste de marbre et ne décroche un cri. Le sang s'étale sur le bureau mais rien n'y fait, le secrétaire d'Etat reste vaillant et digne. Las, A.V. s'empare énergiquement de sa tête et la rabat sur l'épais bureau. En un bruit lugubre, la cervelle s'étale sur le bois. A.V. ne sourit plus, il a un regard furieux. Il contourne le bureau et saisit le corps du secrétaire par l'encolure de la robe. Il le jette plus loin, comme une poupée de chiffon. Sur le sol se répand alors le reste du contenu de son crâne. A.V. s'installe dans le fauteuil et mime la pose du précédant Secrétaire, ses bras baignant dans le sang et la cervelle. Quelques heures plus tard, la femme du Ministre le rejoindra dans le bureau, le surprenant à jouer avec des bouts de cervelles. En esquissant un sourire, elle lui lança :

- La presse vous attend en bas. Votre nomination au poste de Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de la Magie est en une de tous les journaux. Félicitations.

Les cliquetis des flash n’impressionnaient même pas A.V. Il semblait avoir été fait sur mesure pour l'instant présent. Un visage de marbre faisait face aux journalistes. Son costume taillé noir semblait faire le plus grand effet. Malgré les rumeurs qui avaient pu circuler sur son compte, on pouvait déceler ici ou là des regards d'envie, quasi lubrique. Puis, d'entamer d'un ton fort, solennel et résolu :

- Le Ministre m'offre aujourd'hui sa confiance. Une confiance en un avenir riche de promesses, des réalisations et d'avenirs. De renouveau, surtout. Un renouveau incarné par son nouveau bras droit, dont vous serez bien souvent les aînés. Un renouveau d'une dimension nouvelle, à la force et la loyauté insolente. Le pouvoir s'installe de façon perpétuelle, la corruption et la gangrène sociétale meurt par les vœux renouvelés du Ministre Rosier, de ses Directeurs de Département et de moi-même, Aspen Vern Diederick.

A plusieurs kilomètres de là, Gerold boit son thé. Les volutes fumées s'échappent de sa tasse au motif fleuris. De petits pas s'approchent, semblent de plus en plus hâtif à mesure qu'ils sont moins distants. Un elfe se présente et lui tend la dernière version de la Gazette du Sorcier, actualisé quelques minutes plus tôt seulement. Gerold manque de s'étouffer en apprenant la nouvelle : son fils à l'un des postes les plus hauts placés du gouvernement. Son visage si rosée d'habitude devient blême. D'une voix effrayée, elle regarde l'elfe et lui dit :

- Il va arriver ici. Prépare mes bagages, nous partons au plus vite.

L'elfe disparaît alors. Trois autres le rejoignent et, ensemble, s'affairent à claquer des doigts de façon frénétique pour boucler au plus vite valises et caisses. Gerold se rue dans sa chambre. Enfile une longue robe à fourrure chaude d'un bleu nuit extraordinaire. Elle glisse sa baguette dans une poche et regarde pour la dernière fois par la fenêtre le jardin et le bois alentour. Elle baisse les yeux... il est là, debout devant la porte d'entrée. Un sourire bestial sur les lèvres, A.V. attend sa proie.


Un an et demi sépare le jour de sa nomination à aujourd'hui. Rien, pourtant, ne s'est calmé. A.V. est le bras armé de l'Oblivion au sein du Ministère. Il martyrise ses employés autant que quiconque lui tient tête. Sa réputation n'est plus à faire et beaucoup admettent maintenant que le nom de Diederick a toujours été souillé, impur et maudit. Gerold et Vibius, comme leurs ancêtres avant eux, semblent ne jamais avoir existé. Seul Silas et A.V. semblent compter. La statue à Pré-au-Lard, plus d'actualité que jamais, semble briller plus que d'ordinaire. Les victimes de Silas, sculptées dans la roche, semblent se débattre plus que de coutume. Comme s'il régissait à son retour, à travers A.V. Personne n'y prend garde, pas un badaud ne s'en inquiète. Et, en une pétarade assourdissante, le Magicobus se stoppe net devant. Une homme au cheveux argentés en descend, d'un pas mal assuré. Sa robe aux couleurs incroyables dénote avec le paysage morose ambiant. Une valise en bois pâle le suit, flottant dans les airs. Il se dirige vers la statue et, étrangement, caresse la tête représentant A.V. Le souffle court, il lâche :

- Qu'as-tu donc fait à mon fils ?... Apsen était si bon...

Une larme vint à perler sur sa joue, puis s'effondrer sur le sol, au pied de la statue. Un plop il disparaît.

Le château est sale. Comme s'il était nettoyé mais de façon désorganisée, irréfléchie. Vibius traverse le parc, tend sa baguette devant lui de façon à ouvrir les doubles portes. Quatre elfes l'accueillent, ses elfes. A Gerold et lui. Des elfes que leurs parents leur offrirent pour leur mariage. Des elfes autrefois fringants, vifs et forts aujourd'hui les yeux percés, les oreilles coupées et la langue taillée. La chaleur du soleil les inquiète, comme s'ils craignaient la chaleur... ou ont eu à la craindre. Vibius comprend alors : A.V. est venu ici. Il a torturé ses elfes. Et leur a donné un ultime ordre : accueillir Vibius et lui montrer. Lui montrer, là, sur l'étagère, la tête réduite de sa femme plantée d'une plume de hibou, du hibou que Vibius utilisait pour correspondre avec son fils qui, autrefois, n'étais pas un reliquat de Silas.