« Un cri. Un visage. Un regard. Inlassablement, toutes les nuits, toujours la même chose. Ton subconscient est la seule chose que tu ne parviens pas à contrôler, et cela te rendra dingue, un jour. Quoi que tu fasses, quoi que tu souhaites, tu es ami avec le monstre qui se cache sous ton lit. »


Maximilien.


Droit et fier, il contemple la vaste étendue qui se profile devant lui, alors que tout autour, une foule de soldats gronde et s'agite au rythme des souffles du vent. Dans le ciel, les étendards dansent, et les couleurs se mélangent. Bleu, rouge, vert et jaune. Quatre couleurs, pour quatre maisons. Les troupes de poudlard se préparent, et les hommes poussent des cris rauques, des cris de rage, dans l'unique but de se donner le courage de continuer. L'ennemi approche de londres, et tous le savent. Beaucoup d'entre eux vont mourir, tandis que d'autres seront contraints de les regarder agoniser,  jusqu'à ce qu'un dernier souffle de vie franchisse leurs lèvres. Chaque jour, chaque nuit, ces images viennent hanter les rêves et les pensées des survivants, et ils se rappellent inlassablement qu'aucun d'entre eux n'est invincible. Aujourd’hui, ils sont en vie, mais demain ? Nulle vie n'est éternelle, et au cours de cette guerre, chacun sait qu'une heure de plus à vivre peut n'être qu'un bref répit avant une mort brutale. Tous le savent. Maximilien Simmons aussi, le sait. Il promène son regard sur ses troupes, sur ses fiers gardes de l'océan, qu'il a mené jusqu'ici, et qu'il a poussé à se battre chaque jour jusqu'à l'épuisement. Le jeune homme, à peine âgé de vingt-sept ans, a la vie entre ses mains. Chacune de ses erreurs peut conduire ses troupes à une embuscade, tout comme chacun de ses succès peut les conduire à la victoire. Impossible de jouer à pile ou face lorsqu'on a autant de vies entre les mains. De toute manière, le jeune homme n'a jamais été de ceux qui mettent leurs choix entre les mains du destin. Prendre des décisions ne l'a jamais effrayé. Réflexion, déduction, décision. C'est aussi simple que cela, pour un homme qui a toujours aspiré à diriger. Il ne doit pas faillir, ni se laisser submerger par ses émotions. Des gens vivent, et des gens meurent. Parfois, ses décisions en sont la cause. Mais il préfère cela à une absence totale de décision, qui les conduirait à coup sur à une mort certaine. Maximilien n'est pas l'homme parfait, mais une chose est sûre : il se battra jusqu'à la fin pou défendre ses convictions, et son camp. Poudlard vaincra, et il apportera sa pierre à l'édifice, quitte à y laisser sa vie, son âme, et bien plus encore. Cette fois-ci, toutefois, les choses sont différentes. La troupe russe qui menace de les attaquer est celle de son ennemi personnel, Igor Hristov, qui s'apprête à tenter de marcher sur londres. Le président des gardes de l'océan sait que son honneur est en jeu, et sa détermination n'en sera que plus forte.

La longue plainte des cors de guerre résonne soudainement, et plonge les troupes dans une agitation sans précédent. L'ennemi est la. Maximilien sort brutalement de ses pensées. Réflexion, déduction, décision. Un simple coup d'oeil vers l'horizon lui permet aisément d'apercevoir le front ennemi, qui avance lentement, mais surement. Il ne lui faut que quelques secondes pour réaliser que ses hommes n'auront que quelques minutes de répit; avant que la mort ne leur tombe dessus. Ne pas céder à la panique. Son cerveau bouillonne, et il se met à lancer des ordres à droite, à gauche, à tous ses lieutenants qui n'attendent que lui pour réagir. Il ne les laissera pas mourir, non. Tant qu'il tiendra encore debout, il les guidera. La machine de guerre que sont les gardes de l'océan se met rapidement en place, sous les yeux du jeune homme, qui scrute minutieusement chacun des gestes effectué par ses soldats. Il ne doit rien laisser au hasard, s'il veut que cette bataille soit remportée par poudlard - et elle le sera, il n'en est pas possible autrement. Les hommes aiguisent leurs lames, sans oublier de se remémorer silencieusement les sorts d'attaque, et les chevaux piaffent d'impatience, excités par la vague d'agitation qui s'abat sur les troupes. Silencieusement, chacun prie, au fond de lui, pour s'en sortir vivant. Maximilien, lui, prie pour que poudlard l'emporte. Les premiers cris et hurlements retentissent, alors que les sorts fusent. La bataille commence, et les évènements se succèdent. Dans un premier temps, le président Simmons reste en retrait, perché sur son destrier. Il lui est plus aisé de commander à distance, puisqu'il peut ainsi garder un coup d'oeil sur l'ensemble des combats. Cependant, tout ne se passe pas toujours comme prévu, et il se retrouve malgré lui emporté dans la bataille.  Sa lame se cogne des heures durant à celle de ses adversaires, et il massacre les russes un par un, à coup d'avada kedavra, sans aucune pitié. Peu à peu, sans qu'il ne s'en rende réellement compte, les troupes ennemies forcent les anglais à reculer, et à se replier vers le centre de la ville. C'est maintenant les rues londoniennes qui se jonchent de cadavres et de sang, mais cela importe peu Maximilien, tant que ce sang est ennemi. Malgré le fait qu'elles aient reculées, ses troupes ont le dessus, et il le ressent. Un coup mal placé lui fait serrer les dents, alors qu'il lève les yeux vers son adversaire du moment. Lorsqu'il croise son regard, son sang ne fait qu'un tour. Igor.  Effluves de sang, de haine et de rancoeur. Un démon s'empare de son corps et de son esprit, alors que les deux ennemis se toisent. L'instant est éternel. Deux chefs rivaux ayant quitté leur piédestal sont désormais face à face, et le temps semble se figer. Une chose est certaine : seul l'un d'entre eux en ressortira vivant. Ce ne peut être que Maximilien. Rapide comme l'éclair, il laisse tomber son épée, brandit sa baguette, et le combat commence. Une ronde se forme peu à peu autour d'eux, comme si même les soldats avaient conscience de l'épique duel qui se déroulait sous leurs yeux. Le choc des titans se poursuit, et aucun ne semble faillir. La rage qui habite Maximilien est intense, et pour la première fois, il se montre aussi sanguin, aussi impulsif que peut l'être Igor. Il n'a plus le temps de mettre au point ses stratégies, puisqu'un seul faux mouvement pourrait être à l'origine de sa mort. Il lutte avec rage, lorsque lui apparait soudainement une évidence. Igor et Maximilien. Maximilien et Igor. Ils se battent à force égale, à talent égal, et à rage égale. Aucun d'entre eux ne surpassera l'autre. C'est terriblement ironique, et l'ampleur de la situation le saisit brutalement. Ils mourront ensemble.

Soudainement pris d'un accès de colère presque désespérée, Maximilien se jette sur son adversaire, rompant le peu d'espace qui les séparait quelques secondes plus tôt. Il décide d'asséner le coup fatal, et lance le sort mortel à travers une faille dans la défense de son adversaire. En faisant cela, il savait qu'il s'exposerai dangereusement, et c'est tout naturellement qu'Igor fait de même. Ils s'effondrent. Autour d'eux, le vacarme se fait assourdissant, alors que les soldats de chaque camp hurlent leur désespoir de voir leur héros tomber, mais leur fierté de voir l'adversaire tomber avec lui. La douleur qui s'empare du corps de Maximilien est particulièrement intense, à tel point qu'elle en devient rapidement insoutenable. Il va mourir, il le sait. Ce n'est qu'une question de minutes, de secondes, peut-être. Il espère que ses souffrances ne seront pas vaines, et que durmstrang sera finalement vaincu, que ce soit le jour suivant, ou des années plus tard. Alors que sa vision se brouille, et qu'il commence à perdre connaissance, Maximilien croit apercevoir un visage au dessus de sa tête. Est-ce un ami, un ennemi qui vient l'achever ? Le son chaud d'une voix qu'il connait particulièrement bien résonne à ses oreilles. Heath. Il aimerait pouvoir tendre sa main vers lui, simplement lui dire qu'il va bien, mais tous deux savent que ce n'est pas le cas. La vie quitte peu à peu le corps de Maximilien Simmons, et les pensées de ce dernier se font de plus en plus confuses. Il s'engourdit, et son corps se fait soudainement lourd, bien trop lourd. De ses lèvres, ne s'échapperont que quelques mots, murmurés, que seul Heath pourra entendre. « Prends soin d'Isadora ».



Ulysse, dix-sept ans.


Le jeune homme se réveilla en sursaut, le front trempé par la sueur, et le souffle saccadé, comme s'il avait couru plusieurs kilomètres d'affilée. Ce rêve, ou plutôt cet étrange cauchemar, qui se répétait sans arrêt depuis plusieurs semaines, se dissipa quasi instantanément dans son esprit, ne laissant à Ulysse Di Fazio qu'une étrange sensation de panique, mêlée à une douleur inexplicable. Il se douta rapidement qu'il s'agissait encore d'un de ces rêves du passé, éphémères, brutaux et oubliés aussi vites qu'ils étaient arrivés. Encore une fois, il n'avait pas été capable de retenir les quelques bribes de souvenirs qui lui étaient offerts sur un plateau d'argent par son subconscient. Le jeune homme ne tarda pas à passer de la panique à la colère, et il eut envie de se coller une baffe. Ce ne serait pas ce soir qu'il résoudrait ses problèmes existentiels de passé, c'était certain. S'enfonçant un peu plus dans ses oreilles, Ulysse fixa le plafond, tentant de se remémorer le rêve qu'il venait de faire, en vain. Peu à peu, sa respiration se fit plus lente, ce qui n'enleva rien à sa frustration. Il ne mit que quelques secondes à comprendre qu'il ne se rendormirait pas pour cette nuit, et il se résigna donc à se lever, à contrecoeur. Ces insomnies, ou plutôt ces "réveils" à répétition, commençaient réellement à user de sa patience, pourtant en temps normal plutôt développée. Pourquoi diable n'arrivait-il à se souvenir de rien ? Ses rêves s'évaporaient aussi vite qu'ils étaient arrivés. A chaque fois, ils lui laissaient une étrange impression de déjà vu. Il savait qu'il passait à côté de quelque chose, et cela le rendait dingue. Ulysse avait toujours été quelqu'un aimant tout contrôler, et son subconscient était bien la seule chose qui lui échappait. L'unique faculté qu'il possédait pour avoir quelques informations sur son passé était un excellent instinct, mais cela se limitait à des sensations. Il n'avait aucune preuve, aucun fait pour confirmer ses théories. Cette attente, bien que nécessaire, l'agaçait un peu plus chaque jour.

Poussant la porte de sa chambre, Ulysse traversa le couloir de pierre brute qui y menait, et passa devant l'ancienne chambre de son aîné, Achille. Comme d'habitude, une désagréable sensation de rancoeur s'empara de son être, et il évita le lieu avec précaution. Cela faisait partie de ses petits accès d'instincts qui lui confirmaient que dans le passé, Achille et lui n'avaient certainement pas dû être copains. Même après son départ du manoir Di Fazio plusieurs mois auparavant, Ulysse continuait à ressentir sa présence dans les différentes pièces de l'endroit. A part sa chambre, son antre personnelle, la bibliothèque, dans laquelle Achille n'avait probablement jamais mis les pieds de sa vie, et la volière, dans laquelle Ulysse aimait passer des heures, tout semblait "contaminé". Cela laissait sur les lèvres du préfet-en-chef un goût amer, et il traversa les différentes pièces glacées du manoir le plus vite possible. Au moins, à Poudlard, ils étaient beaucoup trop d'élèves pour qu'il ait le temps de s'attarder sur chaque impression qui s'imposait à lui. Instinctivement, ses pas le menèrent à la bibliothèque, dont il poussa l'immense porte de chêne sombre avec force. Ce lieu était sacré pour la famille Di Fazio, qui possédait la plus célèbre maison d'édition du monde magique, la Di Fazio Editions. Les étagères de plusieurs mètres de haut étaient surchargés de volumes, tous ayant la caractéristique couverture sombre marquée des lettres dorées de la maison d'édition. Un étranger n'aurait jamais su s'y retrouver, mais Ulysse, lui, connaissait ce lieu comme sa poche. Il s'engouffra entre les rayons étroits, frôlant chaque tranche avec le bout de ses doigts. Un seul ouvrage saurait l'apaiser, et comme d'habitude, le jeune homme savait ce qu'il cherchait. Ce n'est qu'au fond de l'immense pièce qu'il s'arrêta, sa main posée sur la tranche usée d'un ouvrage qu'il avait feuilleté au moins mille fois dans sa vie, si ce n'était pas plus. Le brun se saisit du livre, et l'ouvrit à la première page, ses yeux dévorant l'illustration qui s'y trouvait. Contes de la grande guerre. Contrairement à d'autres gamins, qui couraient partout et passaient leurs journées à lancer des gnomes dans tous les sens, Ulysse avait toujours été étonnamment calme, et particulièrement studieux. Il avait toujours préféré passer ses journées dans les livres, et celui qu'il tenait désormais entre les mains était celui qui avait bercé toute son enfance. Même à dix-sept ans, le jeune homme ne se lassait pas d'en parcourir les pages. Il fallait dire qu'il n'avait pas beaucoup changé, depuis ses dix ans. Il était toujours cet être sombre, distant et taciturne, qui trouvait plus de complicité dans les livres que parmi les gens autour de lui. Il avait effectué une scolarité exemplaire jusqu'ici, et sa nomination en tant que préfet, puis préfet-en-chef n'avait été une surprise pour personne. Souvent, son père lui disait qu'il était fait pour diriger. Qu'il avait cette âme guerrière, stratège, et ce charisme naturel et autoritaire nécessaire pour savoir se faire obéir. Au début, Ulysse le soupçonnait de ne dire cela que pour le flatter, pour l'inciter à prendre sa suite à la tête de la Di Fazio Editions, puisqu'Achille n'avait jamais vraiment eu l"intention de le faire. Cependant, au fil du temps, le serpentard se sentait grandi, et se sentait fort. Oui, il se sentait l'âme d'un chef, d'un dirigeant. Il avait les épaules pour assumer les responsabilités qu'on lui donnait au château, et celles que lui donnerait son rôle de pdg de l'entreprise, plus tard. Il était confiant, et ne doutait plus de ses capacités. Petit, il avait rêvé d'être aussi fort que les héros de la grande guerre ayant eu lieu plusieurs centaines d'années auparavant. Il se voyait avec la bravoure d'Ezekiel Morgenstern, l'intelligence de Maximilien Simmons, et la force de Briseis Peydragon. Même aujourd'hui, ces noms couchés sur le papier lui inspiraient tous un profond respect. Comment avaient-ils fait, à l'époque, pour défendre leur camp avec tant de conviction qu'ils en sont morts pour cela ? Comment avaient-ils fait pour ne jamais trahir leurs idéaux, et pour marquer l'histoire à tel point que tous les sorciers connaissent leur nom, quel que soit leur âge et leur nationalité ? Tant de questions qui fascinaient Ulysse Di Fazio, et qui restaient sans réponse. Souvent, il se demandait s'il avait connu un de ces héros, s'il avait servi sous leurs ordres, peut-être. Parfois, en lisant et relisant leurs exploits, il avait l'impression de les connaître parfaitement, comme s'ils avaient été frères d'armes, en ces temps lointains. Ces questions sur son passé tournaient désormais de plus en plus fréquemment dans son esprit, et en venaient même à l'obséder. Il avait besoin de réponses. Il devait savoir qui il avait été autrefois, afin de continuer à construire celui qu'il était maintenant. Comme s'il sentait qu'une véritable continuité s'était imposée entre son âme du passé, et celle du présent. Il voulait pouvoir expliquer ces intuitions, ces sensations qui s'emparaient de lui chaque jour, chaque minute. Pourquoi entretenait-il autant de rancoeur envers Achille, et pourquoi était il si proche de Rohan ? Pourquoi diable Isemay l'obsédait-il, alors qu'elle ne lui ressemblait en rien ? Ne pas se connaître soi-même était un rude châtiment, surtout pour le jeune homme perfectionniste et exigeant qu'il était. Puisqu'il le fallait, il ferait preuve de patience. Il attendrait, et subirait chacun de ses rêves sans broncher, en espérant se souvenir de quelque chose au petit matin. Il patienterait des mois, des années si c'était nécessaire, mais il saurait. Ulysse Di Fazio n'était pas quelqu'un qui abandonnait facilement, et il vaincrait jusqu'à son subconscient.  

Ulysse, vingt-trois ans.

La pile épaisse de dossiers qui jonchaient son bureau lui donnèrent envie de lâcher un profond soupir. Depuis sa nomination au poste de rédacteur-en-chef au sein de la célèbre maison d'éditions familiale, Ulysse Di Fazio croulait un peu plus sous le travail chaque jour. S'il n'avait pas eu les épaules solides et un sens aigu du devoir, il aurait probablement déjà pris les jambes à son cou depuis longtemps. Avoir à gérer un tel poste aussi jeune était une chose, et il n'avait jamais douté de ses capacités à l'assumer. En revanche, être l'héritier d'un tel empire familial lui semblait bien plus compliqué au quotidien, et il ne comptait plus les heures qu'il avait passées à observer consciencieusement son paternel en pleines négociations, ou même assis autour d'un table lors d'un dîner mondain ennuyeux à mourir. Cela n'était qu'un début, car Lorenzo Di Fazio semblait bien déterminé à faire de son fils cadet un homme d'affaires redoutable, son ainé ayant lâchement fui ses responsabilités. Heureusement, il pouvait compter sur Ulysse, qui comme toujours, refusait de faillir ne serait-ce qu'une demi seconde à la tâche. Ainsi, le jeune homme entreprit de classer les dossiers, mettant méthodiquement de côté les plus urgents. Une voix peu assurée vint soudainement troubler sa tranquillité, et le poussa à relever la tête. « M-Monsieur Di Fazio ? ». Le stagiaire le fixa un instant en rougissant, puis s'aperçut à son regard qu'il avait tout intérêt à faire vite. « Une jeune femme demande à vous v-voir. Elle dit s'appeler L-laertiadis » bégaya -t-il non sans difficultés. Légèrement exaspéré, Ulysse soupira. Le jeune stagiaire n'était pas bien méchant, mais sortait tout juste de Poudlard, et semblait presque vouloir se faire pipi dessus à chaque fois qu'il lui adressait la parole. Pour l'instant, l'ancien serpentard faisait preuve de patience à son égard, mais il doutait de résister bien longtemps à l'envie de secouer comme un prunier le garçon pour qu'il prenne un peu d'assurance. Il ne se souvenait pas d'avoir été aussi chétif à son âge, et de toute manière, son père n'aurait certainement pas fait preuve d'autant de patience à sa place. « Faites la monter », commença-t-il sur un ton qu'il voulut neutre. « Faites toujours monter Laertiadis ». Observant non sans agacement le stagiaire s'éloigner, Ulysse déposa un ou deux dossiers sur le coin de son bureau, conscient qu'il devrait s'y mettre dès le départ de la dénommée Laertiadis. Lorsqu'il releva la tête, ce fut pour voir la jolie brune s'engouffrer dans son bureau, ce qui le poussa à étirer un sourire sincère. Èchṓ était une de ses amies les plus proches, et de celles en qui il plaçait une vraie confiance. Ses petites visites, au fond, ne le dérangeaient jamais. Comme souvent, elle déposa un petit sachet sur son bureau. L'ancien serpentard en sortit quelques cupcakes aux couleurs pastels. Sa gourmandise s'éveilla soudainement, et il renifla doucement le premier.  « Framboise ? Tu ne te trompes jamais, décidément ». Le sourire que lui rendit la jeune femme lui apporta un véritable baume au coeur. Il ne connaissait personne qui puisse rester insensible au charme d'Échṓ, et il n'y avait bien qu'elle pour ne pas en avoir conscience. Alors qu'elle lui donnait les dernières nouvelles, Ulysse se souvint d'une chose dont il devait lui parler. D'un geste vif, il se saisit d'un dossier rouge placé bien en évidence sur son bureau, et le tendit à la jeune femme. « À ce propos, voici quelques appartements qui ont attiré mon attention. Promets-moi d'y jeter un coup d'oeil quand tu en auras le temps ». En voyant la demoiselle s'empourprer, Ulysse fronça les sourcils. Elle semblait bien plus gênée que d'ordinaire, ce qui le poussa à se poser des questions. Lorsqu'il l'interrogea, Échṓ sembla hésiter un instant. Ce ne fut qu'après plusieurs secondes qu'elle lâcha finalement. « Rohan est revenu ». Pris par surprise, Ulysse ne réalisa pas tout de suite, et sembla un instant se décomposer. Revenu. Après cinq ans d'absence et de vulgaires lettres, son ancien meilleur ami revenait. Comme ça. La stupeur laissa rapidement place à la colère, et les prunelles sombres de l'ancien serpentard semblèrent s'éveiller brutalement. Il avait toujours été rancunier, et s'il y avait bien une chose qu'il ne pardonnait jamais, c'était la trahison. Dans un mouvement incontrôlé, il balança le dossier dans un coin de la pièce, et se mit à faire les cents pas. « Revenu, tu dis ? Comme ça » lâcha-t-il sur un ton agressif. Sa colère sembla se faire plus intense, alors qu'il répétait ces quelques mots, peu certain de réellement parvenir à y croire. « Et tu es au courant depuis combien de temps ? » … « Non, ne me dis rien. Je ne veux plus rien savoir à son sujet. Rien ! ». Son ton se fit si furieux qu'il sembla presque crier, et l'air sincèrement désemparé de la jeune femme ne le calma que très peu. Ulysse ne perdait presque jamais son sang-froid, mais lorsqu'il le faisait, son entourage s'en souvenait. Il avait hérité de ses ancêtres italiens une certaine propension à la colère, qu'il parvenait la plupart du temps à maîtriser. La présence d'Échṓ finit toutefois par l'apaiser légèrement, et il s'arrêta quelques secondes, le temps de lui dire quelques mots sur un ton amer. « Ne lui dis pas que je suis au courant. Ou plutôt, si, dis le. Mais précise bien que je n'ai aucune envie de le voir ». Il se mura ensuite dans un silence pesant, que les tentatives de la jeune femme ne parvinrent pas à percer. Lorsqu'elle tourna les talons, il regretta aussitôt son comportement. Échṓ n'avait jamais mérité sa colère. Il ne lui arrivait presque jamais de s'emporter devant elle, et les minutes qui suivirent son départ le poussèrent à s'en vouloir davantage. Le soir même, il passerait lui acheter quelques gourmandises pour se faire pardonner. Un instant, il se figea. Risquait-il de tomber sur Garrigan en se rendant chez Cersei et Échṓ. Le simple fait de penser à son ancien ami accentua de nouveau son amertume, mais il tâcha cette fois-ci de se contrôler. S'il se mettait à hurler sur son pauvre stagiaire, celui-ci ferait probablement une crise cardiaque. Faisant de nouveau les cents pas, Ulysse se concentra sur Échṓ. Garrigan ou pas, il tenait absolument à lui faire savoir qu'il s'en voulait. Désormais peu concentré, l'ancien serpentard finit par se stopper dans son élan, et s'assit soudainement à son bureau. La masse de travail qui l'attendait ne se résoudrait pas seule, et il n'avait pas le temps de s'énerver plus longtemps, surtout pour un imbécile qui revenait joyeusement de voyage. Déterminé à transformer sa colère en une énergie productrice, Ulysse se saisit du premier dossier, et beugla à l'intention de son stagiaire pour qu'il accourt le plus vite possible. Faute d'être de bonne humeur, aujourd'hui, il serait efficace.